Les générations, au pouvoir actuellement, ont du mal à se mettre au niveau de la vérité historique. A la veille de la commémoration du massacre du 8 mai 1945 en Algérie et à celle de l'abolition de l'esclavage, l'association «Devoir de mémoires» a organisé, samedi, une conférence débat animée par la députée Christiane Tobira (gauche), initiatrice de la loi décrétant l'esclavage crime contre l'humanité, par la maire de Bagneux ainsi que Jean-Claude Tcikaya adjoint au maire. Si le thème était consacré aux séquelles de l'esclavage dans la mémoire des populations victimes, les débats ont surtout porté sur l'actualité française et rappelé, notamment à travers le projet de loi sur l'immigration, que «la promesse de fraternité de la République n'a pas été respectée» selon les propos d'un représentant du mouvement associatif de Bordeaux ; M.Diallo. Le collectif «Devoir de mémoires» a, depuis sa création, dirigé ces actions pour que cet engagement soit tenu envers les Français d'origine maghrébine et africaine et pour que leur mémoire leur soit restituée. L'un de ses premiers combats a été l'abrogation de l'article 4 de la loi «de la honte» du 23 fevrier 2005. Il était donc naturel, dirons nous, que le collectif consacre une importante manifestation, avec des invités de l'envergure de Mohamed Harbi et de Benjamin Stora, de 2005 au massacre du 8 mai 45 commis par l'armée coloniale en Algérie. Mme Leila Dixmier, présidente de l'association ,interrogée par l'Expression sur ce choix, estime qu«'il est indispensable de mettre en évidence ces faits historiques trop malmenés dans les manuels scolaires. L'objectif n'est pas de solder les comptes mais de restaurer le passé dans son intégralité et dans son intégrité, sans tabou et avec courage, celui dans lequel chacun se retrouvera». Pour Mme Tobira aussi, «il faut forcer les portes de l'éducation nationale pour introduire les grandes pages de l'Histoire qui ne doivent plus être écrites que par les seuls vainqueurs. Nous devons repartir de l'Histoire pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui». Les sans papiers à qui on refuse désormais la régularisation même après dix ans de présence en France, la révolte des banlieues, l'échec du traité d'amitié avec l'Algérie, le racisme, le discours d'extrême droite sont justement tous ces évènements d'aujourd'hui qui auraient pu être négociés différemment si leur dimension mémorielle avait été prise en compte. A notre question sur la commémoration des massacres de Sétif et Kherrata ,Mme Tobira nous a affirmé qu'elle était prête «à se battre pour la reconnaissance de ce crime à condition que les Algériens eux-mêmes expriment clairement leur demande et qu'ils précisent ce qu'ils attendent de la France.» Jean-Claude Tchikaya du Mouvement des droits civiques , élu de la mairie de Bagneux et porte-parole de «Devoir de mémoires» ; est, lui, affirmatif «les évènements du 8 mai 45 sont un crime contre l'humanité. Les générations, au pouvoir actuellement, ont du mal à se mettre au niveau de la vérité historique exigée par nos enfants. Une vérité qu'il faut mettre à la disposition de tous.» En revanche, sur la revendication de repentance des Algériens, M.Tchikaya privilégie «une relecture de l'Histoire tous ensemble. Il faut absolument sortir du secret familial, des positions frileuses. La repentance, à mon sens, ne reglera rien car les faits historiques sont têtus.» ajoutant que «la mémoire doit d'abord être discutée par les victimes elles-mêmes du moment que l'enoncé est faux car posé par les vainqueurs». Pourtant, son association se refuse au combat communautariste car les jeunes des banlieues toutes origines confondues, les Français de couleur et de religions différentes doivent se revendiquer en tant que tels autour d'actes citoyens. C'est dans ce sens qu'une journée nationale d'inscription sur les listes électorales avait été organisée avec le soutien de stars du football comme Zinedine Zidane ou Lilian Thuram ou du monde du spectacle comme Jamel Debbouz et des intellectuels tels que l'historien Pascal Blanchard. Pour les militants de l'association il s'agit, donc, de «rappeler sans cesse à la société ,à l'Etat et aux politiques nos mémoires plurielles et nos devoirs de mémoire pluriels, en toutes logiques, au pluriel aussi».