Les Douanes algériennes ont réalisé une performance professionnelle. Elles ont dévoilé de suspects agissements pratiqués par des opérateurs étrangers ayant occasionné un préjudice d'environ cent milliards de dinars au Trésor public. La combine consistait en ceci : des sociétés étrangères, bénéficiant de privilèges fiscaux et parafiscaux (probablement ceux liés à la procédure APSI) s'employaient à louer et à céder des matériels ainsi avantageusement acquis à d'autres sociétés étrangères. Nous ne vous dirons ni de quels matériels ni de quelles entreprises il s'agit. Le directeur des douanes qui a révélé la prise n'a pas voulu divulguer l'identité des entreprises impliquées, ni la nature des équipements concernés par ce trafic. L'institution fait comme si elle voulait revendiquer sa prouesse professionnelle tout en protégeant l'honorabilité des firmes spéculatrices. Dans la même intervention, Monsieur Lebib évoque la récente affaire du “Dock flottant”. Acquise pour 3 millions d'euros, l'installation a été facturée à 29 millions d'euros. L'auteur de l'infraction a été condamné à quatre ans de prison. Mais le dossier n'est pas clos puisque le patron des douanes informe que les douanes ont fait appel du verdict. La réaction de l'institution montre à quel point elle s'implique dans la défense des intérêts économiques du pays : elle s'impose un suivi appliqué, jusque dans leur phase judiciaire, des affaires qui portent préjudice aux finances du pays. Sauf que l'engagement dont témoigne cet appel dans une affaire, dont le dommage équivaut, selon les douanes, à quelque 2,5 milliards de dinars, contraste avec l'indulgence affichée dans un contentieux qui concerne quelque cent milliards de dinars ! Il faudrait être initié à la criminologie économique pour juger de la gravité d'une infraction. Mais il y a là au moins un élément de discernement qu'une institution ne peut ignorer : le montant impliqué par l'escroquerie. Or, on observe que les firmes étrangères, auteurs présumés de la grosse infraction, sont non seulement soigneusement dissimulées derrière l'anonymat, mais apparemment préservées de toute procédure judiciaire. À moins que les journalistes n'aient rien saisi, le directeur général des douanes leur a confié qu'après la découverte de leurs manigances, “ces entreprises se sont engagées à réparer le préjudice” qu'elles ont occasionné. Un trafic découvert apparemment grâce à la seule vigilance des services concernés donne lieu à un règlement à l'amiable. Peut-être par un simple “engagement de ces sociétés à réparer leur préjudice”. De quelles étranges faveurs bénéficient ces mystérieuses et coupables firmes dans un pays où l'on peut pourtant aller en prison parce qu'on porte ses bons de caisse par-devers soi ? M. H.