Dans son discours devant les présidents des assemblées communales, le président de la République a demandé aux Algériens « d'arrêter d'accuser tout le monde de voleur », estimant que « cela ne fera pas avancer le pays ». Mieux, il précise que si l'« on commençait à parler de voleurs, tous les Algériens, ‘hacha lima yasthelch' (ndlr : exception faite pour celui qui ne le mérite pas), ont volé. Il n'y en a pas un seul qui n'a pas mis le doigt au miel ». Un message qui suscite vraiment des interrogations d'autant qu'il y a quelques années, lorsque le même Président préparait sa première campagne électorale, il avait appelé les Algériens à dénoncer ceux qui pillent les richesses du pays. De nombreuses affaires de dilapidation de deniers publics ont éclaté au grand jour grâce au concours de citoyens qui ont fait de la lutte contre la corruption leur cheval de bataille. Les premières affaires qui éclatent sont dévoilées par l'Inspection générale des finances (IGF). Des missions d'inspection au niveau des services des Douanes lèvent le voile sur de nombreux scandales. D'abord l'accaparement par de hauts responsables de l'Etat des villas situées dans la zone d'Etat de Moretti, puis celles appartenant au ministère des Affaires étrangères ou encore des biens de l'Etat gérés par les domaines ou les OPGI. Les rapports de l'IGF sont restés sans suite. Début 2000, les inspecteurs de l'IGF lèvent le voile sur des courants de fraude ayant occasionné au Trésor public un préjudice estimé à 7 milliards de dollars, et ce en l'espace de 4 années seulement. Vraies fausses domiciliations bancaires, fausses déclarations en matière d'exportation de déchets ferreux et non ferreux et d'importation de produits électroménagers dans le cadre de la formule dite Règle 2 A et des dispositions CKD-SKD destinées au soutien de l'industrie du montage et de l'assemblage sont alors les principaux dossiers remis par l'IGF à la justice. De nombreux cadres de la direction générale des Douanes, des banques publiques et des services de police ont été convoqués et certains d'entre eux inculpés. A ce jour, la justice n'a pas terminé son travail. En 2003, le grand scandale du groupe Khalifa éclabousse les plus hautes institutions de l'Etat. L'affaire est prise en main par la justice et seul un volet du dossier, la gestion de la caisse principale, est jugé alors que la partie la plus importante n'est toujours pas sortie du bureau du tribunal de Chéraga. Pendant cette période, les banques publiques font l'objet de véritables hold-ups. D'importants crédits sont alloués à des opérateurs privés sans aucune garantie à même de sécuriser le remboursement. Aucune banque n'a été épargnée et les scandales arrivent en cascade, impliquant les plus hauts dirigeants de ces institutions, alors que les pertes financières occasionnées se chiffrent en centaines de milliards de dinars. Ces grandes affaires de corruption impliquent toutes de hauts responsables de l'Etat et non pas le petit citoyen devant lequel se dresse une montagne d'obstacles lorsqu'il s'agit d'un crédit immobilier ou d'une aide dans le cadre de l'Ansej. Les affaires énumérées, qui ne reflètent que la partie visible de l'iceberg, sont toutes au stade de l'instruction. Une instruction qui risque un jour d'être totalement dépassée du fait de la prescription. Accuser « tous les Algériens » d'avoir « goûté au miel » revient à assurer une couverture aux véritables voleurs des richesses de ce pays. Ces derniers, tapis dans tous les rouages du système, ont accès à toutes les ressources. Et ce n'est certainement pas un simple citoyen qui peut décrocher un rendez-vous avec le P-DG d'une banque publique, un directeur des domaines, encore moins avec un ministre pour se voir octroyer un bien de la collectivité. Les voleurs sont ailleurs que parmi le petit peuple