La direction rassure et évoque un petit problème technique qu'elle aurait déjà réglé. Les Algérois n'ont pas entendu hier leur train siffler comme à son habitude, et pour cause : une paralysie quasi générale à la gare de l'Agha durant une bonne partie de la journée. Les travailleurs en colère, notamment à la gare de l'Agha, ont tout simplement refusé de conduire les trains à bon port et manifester ainsi leur colère à l'égard de leur direction générale. Une réaction somme toute justifiée, compte tenu du retard accusé dans le paiement de leur salaire. Rencontrés sur les lieux, en l'occurrence sur le quai déserté par les voyageurs, les cheminots exprimaient une colère, visiblement trop longtemps contenue et qui a atteint la limite du supportable. “J'ai 37 ans de service et voilà que je me retrouve à errer dans la rue, couvert de honte. Je ne peux me résigner à rentrer chez moi les mains vides. Il suffit qu'on ne me paye pas et voilà que je ne peux même pas ramener un sachet de lait à ma famille. Comment regarder mes enfants en face et comment leur expliquer…”, s'est lamenté l'un des travailleurs avant de fondre en larmes devant ses collègues agglutinés sur le quai de la gare de l'Agha. Ils évoquent, à leur tour, tous les sacrifices consentis, notamment durant “la décennie noire”, pour que cette entreprise ne cesse pas de fonctionner. Les difficultés n'ont pas manqué, et la SNTF n'a pas échappé à des déboires financiers que les travailleurs ont également subis. “Nous nous sommes montrés patients lorsqu'il le fallait, en espérant en profiter lorsque les conditions s'amélioreront. Mais à quand cette délivrance, la situation ne fait que se dégrader. Nous n'avons droit ni à la prime de risque ni à la prime du mouton ni même à un autre avantage”, se sont-ils plaints, indignés de voir que par-dessus tout cela, leur direction ne respectait pas la date de paiement des salaires qui, selon eux, n'est pas un cas isolé mais une pratique qui a tendance à se répéter. “Ils ne pensent pas à nous, c'est à croire que les fêtes de fin d'année sont valables seulement pour eux et leurs familles et nous, nous pouvons en effet nous en passer, mais comment faire pour l'Aïd-El-Kébir”, s'inquiètent les travailleurs dont un grand nombre a fait pied de grue, hier, devant l'agence de la banque BNA. La responsable de cette agence nous a justement confirmé ce retard l'amputant à la direction générale de la SNTF. “Je suis peinée par cette situation dont nous ne sommes pas responsables. Nous avons déjà attiré l'attention de notre direction générale de cet état de fait et de notre incapacité de payer les travailleurs pour la simple raison que la SNTF n'a pas d'argent. Je sais que notre direction et celle de la SNTF sont en pourparlers et j'espère qu'elles arriveront à un accord dans les plus brefs délais”, nous a-t-elle déclaré. La direction générale pour sa part minimise l'incident et rassure les travailleurs en évoquant un simple problème technique déjà réglé. “Il ne s'agit ni de problème d'ordre structurel ni d'autre chose. Les travailleurs auront leur salaire le plus normalement dans les plus brefs délais”, nous a confirmé hier M. A. Leulmi, directeur central des infrastructures rappelant que la SNTF est en phase d'assainissement avant d'entrer dans le vif de son programme de modernisation à même de permettre à l'entreprise de retrouver ses lettres de noblesse. “Les pouvoirs publics ont montré une grande disponibilité à faire du rail un instrument à même de participer de manière effective dans notre économie. Les premières mesures ont déjà été mises à profit en attendant le reste du programme”, a-t-il assuré. Le rail a, en effet, échappé à la privatisation et n'a pas manqué de bénéficier d'une enveloppe de 500 milliards de dinars, consacrée par l'Etat pour son développement et sa modernisation. Un geste salvateur au secteur du chemin de fer qui gère un réseau ferré en grande partie vétuste. Nabila Saïdoun