Ce n'est pas l'avis du ministère de l'Education nationale qui considère que le mouvement de grève n'a été suivi qu'à hauteur de 20% dans les différents paliers de l'enseignement. De son côté, l'intersyndicale se félicite de l'adhésion des travailleurs à son mot d'ordre de grève qui se poursuit aujourd'hui. Ali Lemdani, coordinateur chargé de l'information au Cnapest (Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique) est euphorique. Il estime que la coordination intersyndicale (Cnapest, Cla, Unpef, Sete et Satef) a gagné son pari en paralysant hier, les établissements scolaires. “Tous les paliers ont été touchés”, se réjouit-il. Les taux de suivi recueillis à la mi-journée, à travers différentes wilayas, justifient son enthousiasme. “Rien qu'au niveau des lycées, la moyenne d'adhésion dépasse les 90%”, assure M. Lemdani. Dans la capitale ainsi qu'à l'est du pays où le Cnapest est bien implanté, les chiffres à sa disposition font valoir sa capacité d'adhésion. à Tébessa, Batna, Annaba et Constantine, la moyenne de suivi oscille entre 88% et 90%. Néanmoins, cette version est très contestée par le ministère de l'éducation nationale qui insiste de son côté, sur l'échec du mouvement contestataire. Selon Boubeker Khaldi, secrétaire général, le taux de suivi est de 21% sur tout le territoire national. “Il est de 35% dans le secondaire, 24% dans le moyen et 13% dans le primaire”, soutient le collaborateur de Boubekeur Benbouzid. Dans cette guerre des chiffres qui oppose l'autorité de l'éducation à l'intersyndicale, les disparités sont incommensurables. En témoigne des statistiques de wilayas avancées par le secrétaire général du MEN. 20% d'adhésion à Chlef, 1% à Adrar, 16% à Alger, 30% à Biskra, 36% à Bouira, 9% à Tlemcen, 4% à Djelfa, 10% à Sétif et 80% à Béjaïa. “Les enseignants sont conscients et respectent les lois de la république”, commente M. Khaldi, rappelant qu'une décision de justice a été rendue samedi dernier, par la chambre administrative de la cour d'Alger, portant invalidation du mot d'ordre de grève de deux jours, et le qualifiant d'illégal. Cependant, ce verdict n'a en rien entamé la détermination des délégués de l'intersyndicale, appuyés par leur base. Forts du ras-le-bol des enseignants, ils affichaient confiance et sérénité, à leur sortie du tribunal d'Alger. “Cette grève est une réponse des travailleurs au chantage alimentaire du ministère”, remarque M. Lemdani. Selon lui, la mobilisation observée ce dimanche est également un aveu d'échec des tentatives d'intimidation de la tutelle. Le département de Boubekeur Benbouzid a adressé en début de semaine une circulaire à tous les établissements scolaires menaçant les grévistes de ponctions sur salaire et de la suppression de la prime de rendement. “Nous appliquerons la réglementation”, avertit le secrétaire général. “Au lieu de prendre des mesures de rétorsion, le ministère devrait voir la réalité en face et aller au dialogue”, réplique M. Bakhouche, secrétaire général du SETE de Béjaïa (Syndicat d'entreprise des travailleurs de l'éducation de l'UGTA). La réalité dont parle le syndicaliste est cette forte mobilisation des enseignants. L'illustration la plus éloquente vient sans doute de Béjaïa où le SETE assure avoir paralysé 100% des écoles primaires, des collèges et des lycées. “Tous les travailleurs ont répondu à l'appel”, soutient M. Bakhouche. L'intersyndicale lie la réussite de son action à l'implication de toutes les catégories professionnelles du secteur, y compris les corps communs et le personnel administratif. “Ce n'est qu'une première action. J'espère que le ministère ira au dialogue. Puisqu'il parle de réforme, il doit se pencher sur le statut des travailleurs de l'éducation, car cela est une partie de la réforme et sert l'intérêt des élèves”, explique le SG du SETE. Radouane Osmane du CLA (Conseil des lycées d'Alger) espère que cette grève servira de déclic et rendra les pouvoirs publics plus réceptifs. à son tour, il ne manque pas de s'enorgueillir de la réussite du débrayage. “à Alger, c'est bouclé”, confiait-il en milieu de journée. Dans la capitale en effet, très peu d'établissements ont ouvert leurs portes. Dans des localités comme El-Biar ou Alger-Centre, les enseignants de la plupart des lycées et des collèges ont suivi le mot d'ordre de grève. Dans les écoles primaires, la moyenne d'adhésion était plus atténuée. “Des directeurs pro-UGTA ont tenté d'intimider les maîtres, mais ces derniers ont refusé de céder au chantage”, révèle M. Osmane. SAMIA LOKMANE