La grève de trois jours, observée depuis hier à l'appel de l'Intersyndicale de l'éducation, a été massivement suivie. Les établissements scolaires à travers le pays ont fermé leurs portes. Le ministère de l'éducation a minimisé l'ampleur du mouvement en parlant d'un taux de suivi de 24%. “C'est le tsunami !” jubile Redouane Osmane, porte-parole du Conseil des lycées d'Alger (CLA). La grève de trois jours, observée depuis hier à l'appel de l'Intersyndicale de l'éducation, est véritablement un succès. La plupart des établissements scolaires à travers le pays ont fermé leurs portes. Si l'adhésion des professeurs de l'enseignement secondaire ne faisait pas de doute pour Osmane, la mobilisation de leurs collègues du primaire et du moyen constitue à ses yeux une “surprise”. “J'ai été stupéfait par leur combativité”, se félicite-t-il. Etant les plus nombreux, les enseignants de ces deux cycles constituent une force de frappe très importante. “Sur les hauteurs d'Alger, toutes ces petites écoles en grève sont de petits ruisseaux qui forment un torrent”, épilogue le syndicaliste, très enthousiaste. Tout aussi réjoui, M. Lemdani, membre du bureau national du Cnapest (Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique) assure que les enseignants du primaire et du moyen ayant suivi le mot d'ordre de grève ne proviennent pas seulement des rangs de l'Intersyndicale. Beaucoup sont affiliés à la Fédération nationale des travailleurs de l'éducation (FNTE-UGTA) et d'autres non structurés. “Les enseignants ont montré qu'ils nous font confiance”, se félicite le délégué du Cnapest. Chiffres à l'appui, il relève l'étendue du débrayage dans les trois paliers. Selon les estimations recueillies à travers diverses wilayas, les taux de suivi dépassent globalement 90%. Ainsi, la moyenne d'adhésion est de 94% à Alger, 95% à Béjaïa, 91% à Sétif, Relizane et El-Taref, ainsi que 80% à Constantine. “Même les villes de l'extrême-Sud ont été paralysées”, exulte M. Lemdani. “Au-delà des chiffres, il y a un capital psychologique qui a été acquis grâce à la mobilisation des enseignants et leur prise de conscience ainsi que la maturité des syndicalistes”, fait-il remarquer. Il regrette uniquement que la tutelle, au lieu de réaliser cet état de fait, préfère s'enfermer dans sa propre logique en recourant systématiquement à “la réponse judiciaire”. Il lui reproche, par ailleurs, d'user de la désinformation. “Le ministre balance des pourcentages dérisoires pour atténuer l'ampleur du mouvement de protestation et discréditer ses initiateurs”, déplore le coordinateur du Cnapest. Son camarade du CLa ironise, affirmant que “les canaux de l'ENTV ne s'ouvrent que pour menacer les enseignants”. Samedi dernier, en effet, l'Unique rendait public le communiqué du ministère de l'Education nationale faisant écho de la suspension de la grève par la justice et demandant aux enseignants de prendre leurs responsabilités. Hier, le département de Boubekeur Benbouzid publiait un second avis dans lequel il minimisait l'étendue du débrayage. Se basant sur les estimations parvenues des inspections de wilaya, il assure que le taux de suivi est de 24%, tous cycles confondus. “Ce faible taux enregistré dénote le degré de conscience et de responsabilité de la grande majorité des enseignants qui ont rejeté l'appel à la grève et assuré normalement leurs cours”, commentent les services de la tutelle. Ils s'adressent également aux irréductibles “encore entraînés dans la logique de l'illégalité” en les appelant à “la sagesse”. Comme pour la grève des 15 et 16 janvier derniers, le ministère a pris des mesures de rétorsion contre les enseignants. “Nous avons eu des ponctions sur salaire. Mais est-ce que ce genre de sanction est susceptible de nous infléchir ? Je ne le pense pas”, note M. Lemdani. Outre les représailles administratives, la tutelle malmène les délégués syndicaux de la coordination en les poursuivant en justice. Des plaintes devant la juridiction pénale ciblent les responsables du CLA, du Cnapest et de l'Unpef (Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation), trois des cinq formations de l'intersyndicale qui comprend également le Satef (Syndicat national de l'éducation et de la formation) ainsi que le SNETE (Syndicat d'entreprise de l'UGTA de Béjaïa). Les animateurs de la coordination devront tenir une réunion demain où ils évalueront le bilan de la grève. Pour rappel, leurs revendications sont au nombre de quatre : l'augmentation des salaires, la revalorisation de la pension de retraite, la promulgation du statut particulier et la défense des libertés syndicales et du droit de grève. Le débrayage de l'éducation nationale intervient quelques jours avant celui — d'une semaine — des enseignants du supérieur prévu le 25 du mois en cours. Le Cnes (Conseil national des enseignants du supérieur) à travers la section de l'USTHB, a exprimé sa solidarité à l'égard de l'Intersyndicale en diffusant hier aussi un communiqué de soutien dans lequel il dénonce “le harcèlement judiciaire contre ses animateurs et la remise en cause du droit de grève”. “Seul le dialogue social et le respect des lois sociales permettent la résolution des conflits socioprofessionnels”, recommande le Cnes. SAMIA LOKMANE