L'attaquant de la RD Congo (Gr.B), Trésor Mputu, auteur d'un but magnifique face au Togo, a réussi à se sortir des rues de Kinshasa où il est né grâce à un talent qui devrait en faire l'une des révélations de la Coupe d'Afrique des nations de football (CAN-2006) en Egypte. Lorsqu'on lui demande s'il veut rajouter quelque chose à la fin de l'entretien, le joueur à la gueule d'ange, en s'enfonçant dans son fauteuil, regarde ses claquettes et répond timidement : “Je veux devenir professionnel”... Ce sera la troisième fois en dix minutes... Cet empressement n'a rien d'anormal. Il le savait, ou le pressentait : son talent vaut mieux que ces “500 dollars” gagnés par match dans son club congolais du Tout-Puissant Mazembe Lumbubashi. “Mais Claude me dit d'être patient”, murmure-t-il. Mal à l'aise dans un fauteuil un peu trop grand pour lui, il faut tendre l'oreille pour entendre les trop courtes réponses de ce Congolais de 21 ans, qui a réussi en un geste à concentrer une attention qu'il avait juste osé rêver. “Vous voyez, je ne me trompe pas souvent hein !” lâche en clignant d'un œil encore rempli d'émerveillement Claude Le Roy. Car le technicien de la RD Congo, qui a entre autres découvert Georges Weah ou Eto'o, et pour “seule prétention de ne pas rater le talent”, l'avait prédit bien avant le début de la CAN : Mputu est un “artiste” à suivre. Le Congolais n'a pas mis longtemps à asseoir la prédiction du Français. Et comme si l'empreinte de son mentor était destinée à devenir indélébile, Mputu avait eu la primeur de la description de son but — une petite merveille —, quelques heures avant le match. “Je lui ait dit, devant tout le monde, qu'Agassa était un très bon gardien, mais qu'il partait souvent sur le premier geste. Je lui ai dit, s'il se retrouvait devant lui, de faire une feinte, et de piquer”, assure le Français. C'est exactement ce qui s'est passé. Un éclair de génie et de lucidité qui a suffi toutefois à déclencher ce que Claude Le Roy redoutait : la meute des chasseurs de talent à prix cassés a commencé à rôder. “Mon plus gros souci en ce moment, ce sont les marchands d'esclaves”, explique Claude Le Roy. Et pour ça, l'expérimenté entraîneur a sa technique : deux membres de la délégation congolaise sont plantés devant les ascenseurs, et filtrent les allées et venues. “Je suis obligé”, explique-t-il. Mputu dit ne pas les avoir encore croisés. Mais il avoue que plusieurs clubs sont déjà intéressés ; “il y a Lokeren, La Louvière et le Lokomotiv Moscou”, lâche-t-il. “Moi je veux que ces joueurs (comme Mputu) aillent dans des grands clubs, mais pas dans des négociations d'arrière-boutique. Or, ils se feront avoir”, explique Le Roy. “C'est quasiment un enfant. Il vient des rues de Kinshasa. Il vivait dans ces conditions-là”, raconte-t-il. Un passé sur lequel le joueur a du mal à s'étendre, préférant hocher la tête en signe de “oui” lorsqu'on lui demande si son enfance était plutôt pauvre : pas d'anecdote sur les parties pieds nus et ces matches payés 30 dollars, qui, selon Le Roy, est la “moyenne” en RD Congo... Sa chance, selon le Français, est d'avoir signé au club de Mazembe, “le président fait un travail formidable pour la promotion sociale de ses joueurs”. En signe de reconnaissance, le joueur a claqué 6 buts lors de la finale du championnat congolais pour lui offrir le titre. “C'était la première fois que je voyais un joueur marquer deux hat-tricks lors d'un match”, a assuré Claude Le Roy.