La Belgique distingue deux organes de régulation et de contrôle du travail des magistrats, le Conseil supérieur de la justice et le Conseil de discipline. Si le premier a pour rôle de délimiter le champ d'action des juges et gère leur carrière, le second punit leurs abus ou leurs manquements à l'exercice de la profession. Afin de garantir une meilleure objectivité dans la promotion ou la sanction des juges, les deux institutions ont été placées sous l'autorité du pouvoir législatif et sont composées uniquement de magistrats. Ce qui est loin d'être le cas chez nous. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en dépit de la récente révision de ses statuts, est encore perçu comme un appendice du pouvoir politique. Il est présidé par le chef de l'Etat qui a comme adjoint direct aux commandes du CSM son garde des Sceaux. Une illusion d'autonomie lui a été donnée, notamment avec l'intégration dans ses rangs de personnalités de la société civile. “Il n'est pas dans les attributions de non-magistrats de juger des magistrats”, commente Paul Thomas, magistrat belge chargé des relations internationales au ministère de son pays. Invité en Algérie par la chancellerie, il a animé deux conférences au profit des élèves magistrats, hier à l'Ecole supérieure de la magistrature. L'une a porté sur la protection des données personnelles et les instruments mis en place par la législation belge pour la préservation de la vie privée des personnes physiques. L'autre avait pour thème les règles d'éthique et de déontologie. Il y a un peu plus d'une année, Tayeb Belaïz annonçait l'élaboration d'un code qui, en Belgique, existe depuis 1830. Selon M. Thomas, cette loi met le magistrat devant une triple responsabilité : administrative (devant le Conseil de discipline), civile et pénale. Néanmoins, l'administration n'est nullement autorisée à être à la fois juge et partie. À cet égard, il recommande de les soustraire de l'emprise de l'exécutif pour les mettre sous l'autorité du pouvoir législatif qui, dans l'absolu, est l'expression de la volonté populaire. “C'est le Parlement qui a la prééminence sur l'exécutif et le judiciaire”, observe ce premier avocat général auprès de la cour d'appel. Dans une démocratie comme la Belgique, ce genre de préoccupation ne se pose plus depuis longtemps. D'autres problèmes inhérents à la modernisation économique et sociale ont surgi, et il a fallu leur faire face. L'exploitation d'informations personnelles ou l'atteinte à la vie privée, à travers l'informatique, ont donné lieu à des textes coercitifs en 1992. M. Thomas a été pendant 15 ans président d'une commission installée à cet effet au sein du Parlement. Selon lui, des secteurs comme la police ou la santé ou des services comme le marketing ou les crédits à la consommation sont des domaines où des renseignements fournis par les clients peuvent être exploités. SAMIA LOKMANE