D'après eux, ce mouvement a spolié le Conseil supérieur de la magistrature de toutes ses prérogatives. Choqués par le dernier mouvement opéré par le ministre de la Justice, au cours des mois d'octobre et novembre, des magistrats interpellent le chef de l'Etat pour mettre un terme à ces agissements incohérents qualifiés de «grave dérapage» par nos sources. Ils sollicitent le chef de l'Etat et le Conseil supérieur de la magistrature, pour faire appliquer la loi afin de garantir l'indépendance de la magistrature et préserver la «dignité bafouée» des magistrats. Ces derniers s'interrogent sur leur véritable «mission» protégée par l'article 139 et qui stipule que «le pouvoir judiciaire protège la société et les libertés. Il garantit à tous et à chacun la sauvegarde de leurs droits fondamentaux.» Pour les magistrats, c'est un sans précédent dans l'histoire de la justice algérienne, car le mouvement a été opéré sans la tenue de la session du Conseil supérieur de la magistrature, dans la plus grande discrétion. Une centaine de magistrats de grade et de fonction différents sont concernés par ce mouvement. Ils sont juges, juges d'instruction, procureurs de la République, présidents de tribunaux, juges d'application des peines, conseillers et présidents de chambre. Les concernés considèrent que ce mouvement est une violation de l'article 19 de la loi organique du 6 septembre 2004, relative à la composition, au fonctionnement et aux attributions du Conseil supérieur de la magistrature, qui stipule: «Le Conseil supérieur de la magistrature délibère sur les propositions et demandes de mutations des magistrats après les avoir examinées. Il tient compte des demandes des intéressés de leur capacité professionnelle, leur santé, leurs conjoints, la situation familiale, des raisons de santé des magistrats et de leurs conjoints et de leurs enfants. Le Conseil tient compte également des postes vacants et de la nécessité de service dans les conditions prévues par la loi. Les décisions du CSM sont exécutées par arrêté du ministère de la Justice.» Les magistrats précisent que le ministre de la Justice a procédé à des mutations et promotions des magistrats à des fonctions judiciaires spécifiques sans «l'aval du Conseil supérieur de la magistrature», tel que juge d'instruction, procureur général, présidents de tribunaux, juges d'application des peines et présidents de chambre, ce qui est, encore une fois, une violation de l'article 50 de la loi organique du 6 septembre 2004, portant statut de la magistrature qui stipule: «Il est prévu, après consultation du Conseil supérieur de la magistrature, aux fonctions judiciaires spécifiques suivantes: président d'une chambre, d'une cour, juge d'application des peines, président du tribunal, procureur de la République et juge d'instruction.» Pour les magistrats, le mouvement opéré, ayant induit à des mutations, est aussi une violation de l'article 20 de la loi visée ci-dessus qui stipule: «Le Conseil supérieur de la magistrature est chargé d'examiner les dossiers des candidats aux promotions et de veiller au respect des conditions d'ancienneté, des conditions d'inscription à la liste d'aptitude, ainsi qu'à la violation et l'appréciation des magistrats, conformément aux dispositions de la loi organique portant statut de la magistrature. Le CSM se prononce sur les doléances des magistrats relatives à leur inscription.» Les décisions du ministre constituent, pour les magistrats, une atteinte aux principes de la séparation des pouvoirs consacrés par la Constitution et une grave atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire consacré par l'article 138, qui stipule que «le pouvoir judiciaire est indépendant. Il s'exerce dans le cadre de la loi.» Ce mouvement semble avoir spolié le Conseil supérieur de la magistrature de toutes ses prérogatives. Pour les magistrats, le ministre leur a signifié indirectement que «le CSM, c'est moi», ce qui constitue d'après eux une violation de l'article 155 qui stipule: «Le CSM décide dans les conditions que la loi détermine des mutations et nominations, du déroulement de la carrière du magistrat et veille au respect des dispositions du statut de la magistrature et au contrôle de la discipline des magistrats sous la présidence du premier président de la Cour suprême.» Pour les magistrats, ce mouvement provoque une situation de non-droit, pour les droits du magistrat lui-même, ils ont été piétinés, et une violation de la loi conformément à l'article 60 qui stipule: «Nul n'est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter la Constitution.»