Le secteur de la santé continue à être régi par une loi qui date de 1985. Les pharmaciens appellent à l'organisation du marché du médicament, la santé publique en dépend. La politique du médicament, l'exercice de la pharmacie et la prescription médicale ont été, jeudi dernier, au centre d'un débat organisé par les pharmaciens de Tipasa en coordination avec la Direction de la santé et de la population de la wilaya. C'est Mohamed Nibouche, ancien directeur de la pharmacie au ministère de la Santé et maître-assistant en chimie thérapeutique à la faculté de pharmacie, qui a ouvert cette journée d'étude. L'on apprendra que le secteur continue à être régi par une loi sanitaire datant de 1985 pourtant devenue sans doute obsolète par la force de l'évolution de l'Algérie d'une économie dirigée à une économie de marché. L'Etat, dira-t-il, qui “n'a plus rien à faire dans le secteur de la distribution, doit, cependant, jouer un rôle de régulation et de contrôle du marché”. Mais ce n'est pas le cas, laissa-t-il entendre en évoquant des problèmes, entre autres, en matière d'enregistrement du médicament, et de sa prescription qui a provoqué un véritable gâchis pour la Sécurité sociale. “Il y a nécessité d'établir une nomenclature pharmaceutique si on veut parler réellement d'une véritable stratégie de santé prenant en compte les intérêts économiques et de souveraineté”, martèlera M. Nibouche en mettant l'accent sur l'urgence d'organiser le marché du médicament. Se basant sur des données chiffrées datant de l'année 2000, l'intervenant indique que le marché pharmaceutique à l'époque était de 700 millions de dollars à l'importation. 130 importateurs privés, dont 110 dans le médicament, ont été recensés. Et ce sont, selon lui, seulement cinq d'entre eux qui se sont emparés de 65% de la facture. 74% des produits sont venus de France, soulignera, par ailleurs, Mohamed Nibouche qui précise que cela représente 60% des importations de tout le Maghreb. Outre l'encouragement dont doit bénéficier la production nationale, et M. Nibouche ne voit pas “pourquoi on prend l'argent de la caisse pour continuer à importer”, les pharmaciens insistent sur “le développement d'une véritable information médicale, la mise à niveau de la formation des médecins et l'obligation qui doit être faite aux multinationales de s'installer chez nous en termes de représentation de l'information médicale et de responsabilité et non en représentation commerciale”. M. Nibouche, qui met l'accent sur l'urgence “de se débarrasser des produits farfelus”, insiste, en effet, sur “la création d'une agence du produit pharmaceutique, d'un laboratoire de bioéquivalence et le développement du partenariat université-entreprise”. Par ailleurs, l'exercice de la pharmacie a été aussi l'un des thèmes développés. La communication présentée par l'ancien vice-président du conseil de l'Ordre, M. Benbahmed, a mis en relief la situation des pharmaciens et surtout le marché de la distribution composé de 300 grossistes qui, souvent, ne sont pas pharmaciens de profession à l'origine. Voilà, entre autres, ce qui a fragilisé l'exercice du métier, dira l'intervenant pour qui “pour certains le médicament n'est perçu comme une selaâ (produit purement commercial)”. En précisant qu'au Maroc et en Tunisie, le nombre ne dépasse pas 30 et 25, en France il n'en existe que 3, M. Benbahmed met l'accent sur le manque de professionnalisme et l'impossibilité de contrôler la traçabilité des produits. L'importation annualisée, la rupture de stocks à cause de la spéculation et les pénuries savamment provoquées par des distributeurs animés par le profit sont autant de problèmes auxquels sont confrontés les pharmaciens et la santé publique, affirmera l'intervenant, qui pose également la question de l'inexistence d'un Vidal du générique et du manque de laboratoires de bioéquivalence. Karim Daoudi