Guendoul, son village natal, qui était un simple hameau dans les années 1960, sa jeunesse et ses “errements”, l'école primaire d'Imzizou (Fréha), la nostalgie de l'enfance, puis la jeunesse, la maturité, la séparation, l'exil, la femme, la solitude et la liberté sont, entre autres, des thèmes passés par la moulinette compositrice de “Belqasem Ihidjaten”. De son vrai nom, Ouidja Boussad. Des sujets qui reviennent, servent la prose et titillent la muse inspiratrice de ce poète, qui aura, en quelques années, édité pas moins de quatre recueils de poésie en kabyle renfermant globalement quelque 560 pages contenant une variété de près de mille poèmes. L'on remarquerait dans la poésie de Boussad Ouidja que certains vers sont composés ou conçus en trois ou quatre couplets de rimes, dont la dernière donne souvent la “clé” de l'aboutissement, la finalité, la conclusion à laquelle s'attend généralement le lecteur ou l'auditeur d'une strophe. Parfois, non ; ce dernier est laissé dans sa quête de l'espoir, une “faim” qu'il n'assouvirait qu'à la lecture d'autres poèmes en pages suivantes ou dans celles d'autres recueils… Des poètes, des écrivains, des artistes, adoptent aussi ce “principe”, de sorte à accrocher le lecteur ou l'auditeur à lire ou à écouter la fin, mais l'enchaînement des vers finit souvent par une sorte de terminaison qui satisfait le lecteur en attente d'un résultat du dit. Sinon, à quoi peut bien servir un écrit ou un dit, si l'aboutissement ne donne pas la “solution” attendue, ou du moins espérée, au problème évoqué. En tout état de cause, Ouidja Boussad décrypte de fond en comble la société kabyle, sa société, à travers ces quatre recueils qu'il édita d'une traite, en des intervalles temps très courts, alors qu'il vit très loin de sa terre natale. Belkacem ou Boussad, qui a, en plus, produit deux cassettes audio, comme il le précise, a commencé l'écriture de poèmes depuis 1976, pendant que la sève de ses vingt années l'irriguait d'énergie. Elle l'irrigue encore suffisamment, puisque il ne compte pas s'arrêter là. Belkacem Ihidjaten envisage faire paraître pour bientôt d'autres recueils de poésie, dont “Azetta n'Tissist” (la toile d'araignée), Itij asemmad (le soleil froid), Ud'hir Ufir (le dit et le non-dit) et Amsevrid (le routier). N'est-ce pas très ou trop prolifique ? Le poète souligne lui-même, dans un de ses écrits, qu'on ne peut pas définir dans les produits en tamazight quel en est le meilleur. Ceux-ci sont tellement peu nombreux, qu'ils sont tous beaux ; donc trop prolifique, certainement pas ! Les pérégrinations de Boussad Ouidja, qui le menèrent de son village natal à moult autres contrées du pays (d'Imzizou à Djemaâ n'Saharidj, puis de Dellys à l'Inil de Boumerdès, vers les années 1980), le porteront encore vers de lointaines et infinies étendues comme celles de Djelfa. Avant la fin du 2e millénaire, le poète – alors en herbe – se retrouve dans la vaste Oranie. Consommateur insatiable de poésie et d'anciennes chansons, Belqasem Ighidjaten opte directement pour un autre continent, l'Amérique. celle du nord, le Canada. ce vaste pays des glaciers et des icebergs, proche de l'arctique. Même si tout était pratiquement mûri dans sa tête, ce n'est qu'à la fonte des neiges, trois mois après sa “première chute de bienvenue” sur la… glace en sortant de l'aéroport de Montréal un certain 29 janvier 2000, que le poète s'éclate en éditant d'une traite ses quatre ouvrages, inspirés probablement par ce monde de gel, après avoir vécu une jeunesse dans un autre tout à fait différent où les printemps et les étés se font plutôt dominer par les gazouillements des oiseaux et les interminables stridulations des cigales. Ainsi, après Ahiwec (glanage), puis Seg wawal ar wawal (d'un mot à l'autre), viennent Tamusta n isefra (soupçon, quantité de vers) et Asegres (qu'on peut traduire par auge, mais pas tout à fait juste, puisque Asegres est une sorte de sac en toile dans lequel, jadis et jusqu'à nos jours, nos paysans donnaient à manger de l'orge à leurs bêtes de somme). L'on remarquera, par ailleurs, dans certains poèmes de Boussad Ouidja, des termes exprimés crûment, et que des lecteurs hésiteraient à articuler publiquement, sans un sourire au coin des lèvres. Est-ce qu'il est admis d'en user pour une société kabyle encore par trop conservatrice ou excessivement pudibonde ? Il l'est certainement pour l'actuelle génération, à laquelle même celle d'entre les deux âges, dans laquelle notre poète va “bientôt” mettre un pied puisqu'il sera quinquagénaire à partir du 12 juillet prochain, finira par s'en familiariser. Mais l'on vous dira aussi que même Si Muhand U M'hand en avait autant usé dans son siècle. Et après tout, chacun a son mode distinct de penser, c'est évident ! Pour l'auteur, “la preuve est que ce sont des termes qui existent encore, et puis l'écriture et la lecture sont des domaines restreints à l'auteur... Pourquoi ne pas en user ?” s'est interrogé le poète, qui n'a plus refoulé le sol de la patrie depuis janvier 2000, nourrissant, tel un bébé, son “rêve de vivre encore un jour les traditionnelles fêtes de l'Achoura (Taâchurt) à Djemaâ n'Saridj”. Pour ses deux prénoms, “Belqasem Ihidjaten” explique avoir “hérité de ce surnom, comme c'est de coutume chez les Kabyles, après avoir perdu mon père, alors que je n'avais que 40… jours”, encore dans les bras de sa mère, le futur poète, non moins ingénieur. Salah Yermèche