Le jeune Fayçal, armé d'une hache, selon la police, a pénétré à l'intérieur du commissariat de la ville et agressé deux agents qui l'ont blessé mortellement. Version que contestent la famille et les amis de la victime. Ce drame a provoqué, hier soir, une explosion de colère lorsque des jeunes s'en sont pris à des édifices publics. À la sûreté de daïra, on ne donne aucune information. “C'est ici que cela s'est passé”, se contente-t-on de nous dire. En ville, rien n'indique que quelque chose de particulier s'est passée durant la soirée. Hormis les connaissances et les amis du défunt qui ne disent que du bien de “ce jeune travailleur”, de ce “soudeur” plutôt “fils de bonne famille, tranquille et pieux”, le drame n'est même pas évoqué. En cette matinée pluvieuse, Zéralda est calme. Fayçal était âgé de 31 ans. Il habitait avec ses parents dans une villa de style colonial, située à la sortie de la ville de Zéralda en retrait du centre-ville et de la grande route. Il n'y a aucun voisin, mais on témoigne que ce sont des gens courtois, hospitaliers qui ont de bons rapports avec tout le monde. Des membres de sa famille sont déjà sur les lieux. Discussions discrètes entre eux. Le silence est perturbé par la mère en pleurs qui demande à ce qu'on la laisse rejoindre son fils. Elle est repoussée difficilement à l'intérieur du domicile. Dans une petite chambre aménagée en salon, à l'entrée de la maison, le père est consterné. Le regard interrogatif et très éloigné, le dos légèrement voûté, il garde néanmoins sa lucidité et du courage pour raconter ce qui s'est passé pour donner sa version des faits. La tête lourde sous le keffieh, les yeux hagards, il se rappelle que Fayçal et sa mère dormaient au rez-de-chaussée alors que lui était au premier étage. Son fils a été réveillé à 3 heures du matin, dit-il. Mystérieux coup de téléphone qui l'a poussé à se précipiter dehors. Sa mère qui le suivait n'a pu le rattraper. “Je vais à la mosquée”, lui a-t-il dit dans sa course. Ce n'est que tôt le matin que la famille apprend le drame. Des policiers sont venus interroger le père. Une enquête est ouverte. Mais pour lui, il n'y a qu'une hypothèse. Une probabilité. Son fils, qui était soudeur, a connu une fille qu'il a demandée en mariage. Fayçal a eu l'accord de sa famille. Il a payé à cette fiancée ses bijoux pour près de 10 millions de centimes. Il apprend plus tard, selon la version donnée par le père, qu'elle “est avec un autre homme”. Il réclame alors la restitution de son argent. Calmement, le père raconte cela comme on raconte une histoire avec beaucoup de précisions. Ils ne se sont pas entendus, la fille ne voulant restituer que l'argent, pas les bijoux. Fayçal voulait déposer plainte. Pour le dissuader, dit-il sans conviction, elle le menace d'informer son nouvel ami qui est un policier. Il reviendra encore une fois sur le mystère de ce coup de téléphone. Il soupçonne la fille d'avoir manigancé “le coup”. Toutefois, il s'abstient d'être formel. C'est la seule piste qui se dessine à lui étant donné que son fils, dit-il, n'est pas un “gars à problèmes”. La barbe sensiblement grande et touffue, l'oncle maternel du défunt raconte comment il a découvert son neveu à la morgue. Il était de garde à l'hôpital de Zéralda ce soir-là. “C'est vers 4 heures du matin que j'ai entendu parler d'un jeune mortellement atteint d'une balle en plein coeur.” Il se rend à la morgue et découvre que le jeune en question n'est autre que le fils de sa sœur. Il se rappelle le détail du second policier de garde à l'hôpital qui a été appelé en urgence aux alentours de 3 heures du matin. Il dit qu'il a été blessé au bras. Une fracture. On confirme également qu'un autre policier du commissariat a été blessé à la main. Il dit ne pas croire à la version donnée par les policiers à la famille. Que Fayçal n'avait pas de hache. Une source sécuritaire fait état de deux agents agressés et souffrant de plusieurs blessures à cause d'un objet contondant. Les voix des femmes en pleurs dans une chambre mitoyenne ponctuent la discussion. Un cousin de la famille, courtois malgré le choc apparent sur son visage, ressasse qu'il ne “comprend rien”. Ni pourquoi ce drame. Ses propos sont un grand point d'interrogation. Dehors, quelques jeunes sont arrivés. Ils ne disent rien. Les visages fermés, les regards incrédules, ils se contentent de répondre aux salutations, mais on sent une colère contenue. Alors que l'oncle laisse ressortir sa “haine”, sa désapprobation, le père invoque Dieu, le destin tout en s'interrogeant sur le mobile et l'origine de l'appel téléphonique. La police scientifique a relevé ses empreintes et pris son portable qui doit contenir des informations utiles. Il s'accroche avec conviction à l'idée que le portable de son fils peut contenir des indices et renseigner sur l'origine de l'appel. Et il soupçonne son ex-fiancée. L'on ressent, dans son propos, comme une envie que l'on découvre que c'est “elle”. C'est la seule personne avec laquelle il a eu des démêlés. Son autre garçon est un “dur”, un militaire. “Lui se battre avec des policiers ! Je pourrais le croire, mais pas Fayçal”, dit-il. Et contrairement aux autres membres de la famille, le père croit que l'enquête peut aboutir et lever le mystère de ce drame. Il y croit. Et il s'accroche à l'identité de l'auteur de l'appel nocturne à son fils. “Je veux savoir qui l'a appelé”, conclut-il. Dehors, Zéralda commence déjà à parler de ce drame que certains appellent “bavure”, avant que la colère ne dégénère en émeutes. Djilali Benyoub