Dans ses dispositions pénales, le texte de loi du gouvernement propose l'incrimination de nombreux faits liés à l'exercice illégal du culte, dont l'emprisonnement. C'est demain que les députés de l'Assemblée nationale se prononceront par vote sur l'ordonnance présidentielle fixant les règles et conditions de l'exercice des cultes autres que musulmans. Et comme il s'agit, tel que l'indique l'intitulé, d'une ordonnance, le texte ne sera pas soumis à débat et sera sans nul doute adopté sans trop d'encombres. La forme choisie pour la promulgation de cette loi laisse la porte fermée au débat sur un sujet extrêmement sensible puisqu'il touche à un principe consacré par la loi fondamentale du pays, à savoir la liberté de culte et de conscience. Le contenu de ce cadre législatif aurait certainement beaucoup gagné si la discussion à ce propos avait été engagée. Dans cette ordonnance classée n°06-03 et datée du 28 février 2006, le législateur met en avant un certain nombre d'arguments qui ont plaidé pour le durcissement de la loi à l'égard des activités religieuses considérées comme étant des missions de prosélytisme. Cependant, ce qui est frappant dans cette nouvelle réglementation, c'est la sévérité des sanctions prévues contre les contrevenants. En effet, dans ses dispositions pénales, l'ordonnance propose l'incrimination de nombreux faits liés à l'exercice cultuel dont le châtiment peut aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement. D'aucuns diront que la mise en place d'un cadre législatif, organisant et structurant l'exercice des cultes, peut être chose acceptable pour peu que ce dernier ne soit pas en contradiction avec la loi fondamentale et les engagements internationaux du pays. Mais de là à prévoir des sanctions aussi lourdes pour de telles activités, il n'y a aucun doute que cela tient d'un excès de zèle qui n'est pas pour améliorer l'image du pays. Surtout que le texte en question constitue un concentré d'imprécisions, ce qui ouvrira inéluctablement la voie à des interprétations abusives dont les conséquences peuvent s'avérer fâcheuses pour les droits de l'Homme et les libertés de culte et de conscience. La création d'une commission nationale du culte dont la mission, tel qu'énoncé dans l'exposé des motifs de la loi, est de “prendre en charge les affaires religieuses et de veiller à garantir la liberté d'exercice du culte”, pourrait constituer un cadre garant de ces libertés. Concernant ce même aspect des libertés, le législateur s'appuie sur les instruments internationaux ratifiés par l'Algérie, notamment la Déclaration universelle des droits de l'Homme, pour expliquer que “toute personne a le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion”. Toutefois, il n'oublie pas de se référer à ces mêmes textes pour rappeler que “ces instruments donnent aux Etats le droit d'intervenir dans le cadre de la loi, pour la sauvegarde de l'ordre public ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui”. Ceci pour assener ensuite dans les dispositions pénales du texte des sanctions pénales et financières. À titre d'exemple, une peine allant de 2 à 5 années de prison ferme et une amende de 50 à 100 millions de centimes sont réservées à quiconque “incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion (…), ou fabrique, entrepose ou distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou tout autre support ou moyen qui visent à ébranler la foi d'un musulman”. Certes, le législateur, à travers cette réglementation, tend à endiguer les missions de prosélytisme menées notamment par les églises évangélistes américaines dans certaines régions du pays ; cependant il demeure vital que les textes pondus soient clairs et explicites, et ce, pour ne pas ouvrir la voie à des dépassements sur les libertés individuelles et collectives consacrées par les lois de la République et qui peuvent être assimilés à un réveil des démons de l'inquisition. Hamid Saïdani