Bush a beau bomber du torse, son aventure en Irak est un revers. Il est dans la même posture que Nixon lors de l'épilogue de la guerre du Vietnam. Il a contre lui le monde entier et même sa propre opinion. Menacé d'“impeachment” par une affaire d'écoutes téléphoniques, il est désormais accusé d'incompétent par les démocrates. Fidèle à lui-même, Bush continue de se réfugier dans ses propres certitudes, promettant de juguler la violence en Irak ayant entraîné la mort de 2 300 soldats américains. A l'occasion du troisième anniversaire de son aventure, il dit ne pas jeter le gant jusqu'à la mise en échec du terrorisme en Irak au nom de sa thèse établissant des liens entre la sécurité des Etats-Unis et sa présence en Irak. Mais il n'est plus dans les conditions de 2001 et d'après. Malgré cela, Bush n'hésite pas à travestir la réalité en déclarant que l'Amérique et le reste du monde jouissent aujourd'hui de davantage de sécurité sans Saddam Hussein au pouvoir. “Il n'opprime plus le peuple irakien, ne finance plus le terrorisme et ne menace plus le monde. Il répond maintenant devant un tribunal de ses crimes, et plus de 25 millions d'Irakiens vivent maintenant en liberté !” Exit le bide des armes de destructions massives et pour ne pas paraître seul responsable du fiasco, Bush renvoie la balle dans le camp des nouveaux dirigeants de l'Irak post-Saddam, qui n'arrivent même pas à former un gouvernement d'unité nationale alors que les élections se sont déroulées voilà plus de trois mois, les exhortant à terminer leur travail le plus rapidement. Bush, de fait, a épuisé son crédit. La veille du troisième anniversaire de l'invasion de l'Irak (20 mars 2003), la méfiance des Américains envers lui se fait grandissante. Plus de deux tiers des Américains (68%) considèrent que leur président gère mal la situation en Irak et près d'un sur trois (30%) estime très probable une prochaine guerre civile dans ce pays. Seuls 20% restent encore confiant dans leur président. Depuis, pratiquement, sa seconde investiture, Bush n'arrête pas de dégringoler dans les sondages. Aujourd'hui, il n'y a pas que les démocrates à le fustiger, le scepticisme a gagné les républicains très inquiets par les prochaines sénatoriales, lui reprochant l'échec programmé alors qu'ils sont majoritaires, comme jamais, dans toutes les institutions. Bush traîne également des casseroles dans sa politique intérieure : les indices économiques se sont inversés, flambée des prix de l'essence, gestion “tiers-mondiste” de l'après-Katrina (cyclone)… Contraint de précipiter le retrait partiel de ses forces de l'Irak, prévue pour fin 2006, Bush promet le transfert, d'ici l'été, de 75% du territoire de l'Irak sous le contrôle des forces de sécurité de ce pays. Selon le général Peter Chiarelli, qui commande les forces multinationales en Irak, la nouvelle armée irakienne est désormais bien préparée et bien entraînée pour poursuivre la lutte contre les insurgés. Mais, l'offensive conjointe d'envergure américano-irakienne dans la région de Samarra, au nord de Bagdad, où les services de renseignements avaient signalé des activités de membres du réseau Al-Qaïda, n'a toujours pas mis la main sur ces combattants. Prévoyant une autre déconvenue, Bush a trouvé un autre exutoire : l'Iran à qui il promet une attaque préventive si son pouvoir ne plie pas dans la crise du nucléaire. Seulement, Téhéran n'est pas Bagdad de Saddam. Après les déchirures diplomatiques causées par l'invasion de l'Irak, Washington insiste dorénavant sur la nécessité de la concertation, au moins, avec ses alliés, pour peser dans le Conseil de sécurité de l'ONU, qui examine depuis ce matin le dossier nucléaire iranien. Bush, qui n'est plus à une contradiction près, a, par ailleurs, pris langue avec le président iranien, qualifié pourtant par lui de chef de file de l'axe du Mal, pour discuter de…l'Irak ! D. Bouatta