C'est aujourd'hui que le ministre américain de la Justice devra rendre compte devant les sénateurs des écoutes téléphoniques extrajudiciaires ordonnées par George Bush. Mettant en avant la défense des libertés civiles, les démocrates, qui maintiennent une pression très forte sur cette affaire, auront, pour la première fois, l'occasion d'interroger directement un responsable du gouvernement. En effet, lors de cette audition très médiatisée de la commission des affaires judiciaires du Sénat, l'attorney général des Etats-Unis devra être très convaincant sous peine de voir l'Administration Bush condamnée. Le risque est vraiment important, car si des preuves de violations de loi sont apportées, le président US pourrait faire l'objet d'une procédure de destitution (Impeachment). L'embarras est d'autant plus grand que le doute s'est également emparé d'une partie de la majorité présidentielle, laquelle, sans remettre en cause la nécessité des écoutes, critique la méthode. “Je ne connais aucun fondement juridique qui permette de contourner la justice pour ordonner des écoutes”, avait affirmé Lindsey Graham, un membre républicain de la même commission. Du côté des démocrates, l'on promet d'être très agressif dans les questions. Il suffit de savoir que le numéro deux de cette commission, Patrick Leahy, a d'ores et déjà déposé une proposition de résolution affirmant l'illégalité des écoutes. Même son de cloche chez Edward Kennedy, qui a prévenu qu'il attendait de “vraies réponses” aux questions sur le sujet. Le sénateur Russell Feingold, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles, est allé jusqu'à accuser le patron de la Maison-Blanche de se comporter comme un “roi”. Il a indiqué qu'il allait mettre l'Administration devant ses contradictions. Selon lui, le ministre de la Justice, Alberto Gonzalez, avait démenti, il y a un an, tout programme d'écoutes extraordinaire, lorsqu'il était en voie d'être confirmé à son poste. Craignant déjà que l'audition de M. Gonzalez n'apporte pas assez de réponses, les démocrates ont réclamé des auditions complémentaires. Ils veulent notamment entendre l'ancien ministre de la Justice John Ashcroft, “qui, apparemment, a personnellement approuvé le programme” d'écoutes en dépit de ses “doutes”, ainsi que son adjoint James B. Comey, “qui, apparemment, avait exprimé de grandes réserves”. Les observateurs ne s'attendent toutefois point à des nouveautés dans l'argumentaire que présentera M. Gonzalez. Ce dernier, qui était conseiller juridique de la Maison-Blanche lorsque ce programme d'écoutes a été lancé, a déjà publié un argumentaire détaillé il y a deux semaines. Ainsi, pour l'Administration Bush, le contexte de la “guerre contre le terrorisme” donne au président Bush le pouvoir d'ordonner une telle mission de surveillance, en dépit d'une loi de 1978 sur l'espionnage (Fisa), affirmant la nécessité de mandats de justice. Elle persiste dans son attitude visant à sévir contre les responsables de la fuite vers les médias à l'origine de la médiatisation outrancière du dossier. “Ce genre de révélation inflige des dommages considérables à notre sécurité nationale (...) Cela révèle des techniques, des sources et des méthodes qu'il est important d'essayer de protéger”, a récemment réaffirmé le vice-président américain, Dick Cheney. K. ABDELKAMEL