Le troisième anniversaire de l'invasion américaine en Irak a déclenché une volée de critiques contre l'azdministration Bush, accompagnées d'appels à la démission de hauts responsables et des demandes de réexamen des objectifs des Etats-Unis. Certaines des évaluations les plus pessimistes de la situation en Irak viennent d'analystes indépendants soutenant généralement les efforts des Etats-Unis, reflétant ainsi une désillusion croissante. La plus spectaculaire est venue d'un général à la retraite de l'armée de terre, qui était responsable de la formation des forces irakiennes de sécurité en 2003 et 2004. Le général Paul Eaton a rejeté le blâme pour les échecs en Irak sur le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, le dépeignant dans une tribune libre comme un dirigeant brutal voulant s'occuper des moindres détails, s'aliénant ses alliés et ignorant les recommandations de l'état major. “En somme, il s'est révélé incompétent sur les plans stratégique, opérationnel et tactique, et il est plus que quiconque responsable de ce qui est survenu à notre mission en Irak”, a affirmé cet ancien général, dimanche, dans le New York Times, en concluant : “M. Rumsfeld doit se retirer.” Un analyste réputé du Centre d'études stratégiques et internationales, Anthony Cordesman, a établi une “carte de parcours” de la guerre en Irak énumérant sept grands objectifs de l'administration. Selon cet expert, tous se sont révélés illusoires. Le principal, éliminer la menace des armes de destruction massive de Saddam Hussein, était “sans objet”. Pour le second, la libération de l'Irak, “nous avons utilisé un éléphant pour libérer un magasin de porcelaine. La situation pour les Irakiens est pire qu'avant, mais ils peuvent voter librement selon des lignes de fracture ethniques et religieuses”. La fin des menaces terroristes en Irak ? “Au départ, il n'y avait pas de menace à proprement parler. Le terrorisme salafiste prédominant chez les insurgés est devenu une menace bien plus sérieuse”, ajoute M. Cordesman. Il note encore que, contrairement aux attentes de Washington, la situation au Proche-Orient est devenue plus volatile, les exportations pétrolières de la région sont inférieures à leur niveau d'avant 2003, et les Arabes perçoivent l'Irak non comme un modèle de réforme démocratique, mais avec crainte et suspicion. Les efforts pour moderniser l'économie irakienne “sont en gros un échec financier, idéologique et bureaucratique”, ajoute-t-il. Zbigniew Brzezinski, qui avait été le conseiller pour la sécurité nationale du président Jimmy Carter et qui avait une réputation de faucon, s'est livré, vendredi, à une attaque au vitriol de la guerre. Son coût est prohibitif et elle a endommagé le leadership américain, estime-t-il. “La légitimité américaine a été entamée par des décisions unilatérales et la crédibilité américaine a volé en éclats”, poursuit-il. M. Brzezinski impute l'échec de la guerre à une “suite d'erreurs à répétition d'une petite clique fanatique refusant toute responsabilité pour ses erreurs, voire ses crimes”. Le pessimisme sur les perspectives d'avenir en Irak s'étend de plus en plus aux rangs des républicains. William F Buckley, l'un des chantres du conservatisme, n'a pas caché récemment son exaspération : “Il ne nous a fallu que quatre ans de guerre pour conquérir Tokyo et Berlin. Après trois ans, il est toujours impossible d'aller du centre à l'aéroport de Bagdad sans gardes armés.”