À une question relative au processus de privatisation engagé en Algérie, M. Rebrab a précisé que “toute société étrangère peut se porter candidate en étant sûre d'avoir les mêmes chances que les opérateurs algériens”. Pour convaincre les opérateurs français à aller à la conquête du marché algérien, UBI France, l'agence française pour le développement international des entreprises, une institution qui fait office d'autorité dans son domaine, semble avoir trouvé la bonne formule : elle invite des hommes d'affaires et des personnalités à venir présenter, dans un discours franc et loin de toute démagogie institutionnelle, les potentiels multisectoriels de leur pays. Placée sous l'autorité du ministre délégué au Commerce extérieur et de la direction générale du Trésor de la politique économique, Ubi France se charge de mettre à la disposition des entreprises françaises un riche programme d'appui à leur développement international. Premier principe d'action, la collecte de l'information et la détection de toute opportunité, notamment à travers le dispositif intitulé VIE (volontariat international en entreprise), système par lequel cette agence envoie des “éclaireurs” sur certains marchés étrangers. C'est dans cette logique de recherche de l'information économique objective qu'Ubi France, avec la participation de la mission économique de l'ambassade de France à Alger, a invité M. Issad Rebrab, P-DG de Cevital, et ce, dans le cadre des “petits déjeuners-débats du club”. Débats, qui ont eu lieu la semaine dernière à Paris, au siège de cette agence, en présence du ministre conseiller chargé des Affaires économiques auprès de l'ambassade d'Algérie à Paris ainsi que de plusieurs hommes d'affaires et banquiers français. L'hôte d'Ubi France était ainsi chargé de vendre par l'argument de sa propre réussite “le produit Algérie”. Une logique de marketing où il s'agissait de faire la promotion de l'Algérie et des perspectives qu'elle offre en matière de partenariat. “L'économie algérienne se développe dans un contexte de stabilité que les pouvoirs publics s'investissent à renforcer en inscrivant cette question en tête des priorités”, a déclaré d'emblée M. Rebrab en insistant sur “les besoins énormes du pays où tout reste à construire”. Tout en rappelant les réformes engagées sur tous les plans dans le pays, il a indiqué qu'il n'y a pas que les hydrocarbures en Algérie. Le conférencier a également relevé qu'un taux de croissance à “deux chiffres peut être à portée de main” pour peu que les investissements soient orientés vers d'autres secteurs qu'il considère “sous-exploités”. Il a enrichi sa “plaidoirie” par des chiffres clés qui replacent la solvabilité du marché algérien. “Il y a 60 milliards de dollars dégagés pour le soutien à la relance économique”, a-t-il dit. Dans le détail, il citera tous les besoins liés au secteur de l'habitat avec le programme de 1 million de logements tracé par le gouvernement d'ici à 2009, les travaux publics, l'autoroute Est- Ouest, ou encore les chemins de fer pour lesquels une enveloppe de 7 milliards de dollars a été mobilisée. De tous les secteurs qui méritent un intérêt particulier, M. Rebrab relève “le caractère stratégique de l'agriculture même dans le Sud algérien riche en eau”. Tout en mettant en avant les facteurs d'incitation, tels la baisse du loyer, de l'argent, la protection des IDE ainsi que le libre rapatriement des bénéfices, le patron de Cevital n'omet pas de reconnaître les contraintes bureaucratiques qui persistent au niveau des services bancaires ou d'accès au foncier. Dans son mode d'emploi de la réussite qu'il met au service de potentiels prétendants au marché algérien, il retracera le parcours de Cevital, première société privée en Algérie, qui affiche un taux de croissance annuelle de 50 %. Une société de dimension internationale avec un chiffre d'affaires global (toutes activités confondues) de 1 milliard de dollars pour l'année 2005 et des objectifs de 4 milliards de dollars à l'horizon 2010. La politique d'investissement du groupe, orientée en direction de la satisfaction des besoins nationaux et de la transformation du statut du pays d'importateur en position d'exportateur, explique-t-il, comme cela se fait “actuellement pour les huiles et les margarines, et ce, en attendant de mettre dans la même logique d'export le sucre également”. Il révélera à l'assistance le secret de cette avancée par le principe de réinvestissement des bénéfices, option qui a permis à ce conglomérat privé de gagner en autonomie financière, en ce sens où “ses fonds propres financent à hauteur de 83 % de ses actifs”. Le portefeuille relationnel de cette société est cosmopolite étendant ses partenariats même en Chine à l'image de ce projet de production du verre plat, ou encore le lancement des chantiers du bâtiment en préfabriqué béton, qui permettra à Cevital de s'inscrire en droite ligne avec les objectifs des pouvoirs publics en matière de logements. Autant d'activités — pétrochimie, chimie, énergie solaire, agro-industrie — qui renseignent sur l'ambition de l'industriel qui ne s'est pas privé également de répondre à toutes les questions posées au cours des débats. Une conviction pour l'investissement qui a fait dire à un participant avisé que “Cevital est sur la voie de gagner les marchés français et européens où elle risque réellement de nous bousculer par son niveau de compétitivité”. En évoquant l'emprunt obligataire de l'ordre de 5 milliards de dinars émis par Cevital, démarche à travers laquelle l'Etat algérien a gagné en crédit dans la mesure où cette opération est à mettre à l'actif des institutions qui y ont souscrit, les opérateurs français ont compris que Cevital fait office de baromètre de l'évolution du marché algérien. À une question relative au processus de privatisation engagé en Algérie, M. Rebrab a précisé que “toute société étrangère peut se porter candidate en étant sûre d'avoir les mêmes chances que les opérateurs algériens”. Autrement dit, point de discrimination. Les banquiers présents interrogeront le patron de Cevital sur la réforme en cours en Algérie et sur le coût du loyer de l'argent. Ce patron reconnaîtra le manque flagrant en matière de formation sur certaines filières, tels le marketing, l'export, etc., mais rappellera, néanmoins, l'arrivée en Algérie de grandes écoles de commerce qui commencent à “fournir d'excellentes ressources humaines sur ces filières”. Abondant dans le même sens, M. Pierre Mourlevat, relève, pour sa part, la stabilité du climat d'affaires en déclarant que “ce pays s'emploie à s'assurer une sécurité réelle pour l'avenir et ce, en bénéficiant du choc pétrolier positif” et d'ajouter que la politique économique de prudence, menée par les pouvoirs publics algériens, privilégie l'épargne et l'économie de ses recettes à hauteur des 2 tiers afin de se prémunir de toutes surprises. D'où, explique-t-il, l'engagement des Algériens dans la réalisation des infrastructures de bases et la gestion active de la dette, notamment par le paiement anticipé. “L'Algérie travaille dans le sens de l'assainissement de ses finances afin de demander un reclassement (rating) positif dans un avenir proche”. Selon lui, l'Algérie se prépare à sortir de la dépendance pétrolière, car, soutient-il, inspiré des prévisions de certains analystes, le pic de production de pétrole sera atteint à l'horizon de 2010-2015. C'est ainsi que se justifie la mise en place du fonds de régulation des recettes auquel ont eu recours les pouvoirs publics algériens par mesure de “précaution”, a également mis en relief le conférencier dans son intervention. De bonnes perspectives de règlement de la dette s'annoncent prometteuses à en croire le diplomate français, qui rappelle le dénouement du litige algéro-russe sur le plan financier. Un dénouement précieux, laisse-t-il entendre dans la mesure où il est susceptible d'ouvrir à l'Algérie un cycle de négociations avec le Club de Paris pour accélérer le règlement de la dette. A. A.