Lady Olga Maitland, ancienne parlementaire conservatrice et responsable d'une association financière internationale, a étonné son entourage quand, en 2005, elle a décidé de se rendre en Algérie pour prendre part à une conférence algéro-britannique sur le commerce. “Pourquoi pas. L'Algérie a certes des problèmes, mais elle recèle d'énormes opportunités”, avait-elle répondu à ses proches inquiets. La même année, elle a été élue présidente du Forum d'affaires algéro-britannique et s'efforce depuis à convaincre ses concitoyens à explorer le marché algérien. Une nouvelle occasion lui a été donnée, jeudi dernier, de faire un plaidoyer en faveur des investissements britanniques en Algérie. Le cadre était la conférence sur les relations entre notre pays et le Royaume-Uni, tenue par l'Association des études sur l'Algérie à l'Institut royal des études internationales, Chatham House à Londres. Lady Maitland est intervenue au cours de la seconde partie de la rencontre, consacrée aux questions économiques. En première partie des travaux, les intervenants ont longuement disserté sur la situation politique et sécuritaire en Algérie, très peu propice à l'engouement des opérateurs économiques étrangers. Sans laisser paraître son irritation, Lady Maitland a considéré qu'il est quelque peu discriminatoire de distinguer l'Algérie par des Travel warning très sévères alors que d'autres pays tout aussi affectés par le terrorisme ne sont pas portés sur liste rouge. “Pourquoi pas le Pakistan ? Vous êtes sans ignorer l'impact que ce genre d'avertissements peut avoir sur les investisseurs”, a-t-elle observé. L'ex-parlementaire a révélé qu'un forum d'affaires algéro-britannique devait se tenir les 30 et 31 janvier à Alger, mais il a été annulé suite à une instruction des autorités britanniques sur un risque d'attentats. Elle a confié la frustration dont le président Bouteflika lui a fait part, lors d'une entrevue, de constater que beaucoup de choses n'ont pas été réalisées. Pour Lady Maitland, les blocages sont surtout d'ordre bureaucratique. Elle trouve que l'économie algérienne n'est pas ouverte suffisamment, que le processus des privatisations est lent, surtout dans le secteur bancaire, que les réformes ne sont pas assez audacieuses… et que la non-maîtrise de l'anglais par les Algériens est un handicap sérieux. Intervenant tour à tour, Michael Hodges, responsable pour l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et le Sud asiatique de la Banque britannique HSBC et Trevor Witton, responsable de British Petrolum pour la même région (hormis l'Asie) ont également mis le doigt sur des obstacles qui ne sont pas nécessairement d'ordre sécuritaire. La confusion qui distingue le secteur des banques ainsi que la bureaucratie compliquent l'installation de la HSBC en Algérie. Néanmoins, cette institution financière (l'une des plus importantes dans le monde) entend bien aller à bout de ses projets. Elle s'est fixé un délai de trois ans pour ouvrir des agences à Oran, Hassi-Messaoud et Annaba. De son côté, BP poursuit son épopée dans le Sahara. Considérant que la situation sécuritaire est maîtrisée, M. Witton déplore, en revanche, un manque de compétences au niveau local. En sa qualité de président de la Chambre algérienne d'industrie et de commerce, Brahim Bendjaber, a répliqué en mettant en exergue les efforts investis dans la formation et l'enseignement. Par ailleurs, il a énuméré tous les progrès réalisés en matière législative, dont la mise en place d'avantages fiscaux, visant à susciter l'intérêt des hommes d'affaires d'Outre-manche. Le patron de la Calci a chiffré le montant des investissements étrangers à 15 millions de dollars en l'espace de 5 années. Selon lui, cette somme traduit un réel engouement, en dépit du terrorisme. “La sécurité n'est pas un problème. Le terrorisme ne concerne pas seulement l'Algérie, mais le monde entier”, a-t-il martelé. Plus tôt, au début de la conférence, Bouzidi Lazhari, sénateur et coprésident de l'Association d'amitié parlementaire algéro-britannique, avait indiqué que le rétablissement de la sécurité dans notre pays doit être une préoccupation de toute la région car le terrorisme est transnational. Les ambassadeurs d'Algérie et du Royaume-Uni devaient inaugurer la rencontre en prononçant des discours. Mais Andrew Henderson uniquement était présent, Mohamed Salah Dembri étant parti en Algérie précipitamment, une de ses collaboratrices a été chargée de lire sa communication. Un sentiment d'optimisme quant à l'avenir des relations algéro-britanniques a ponctué le discours de l'ambassadeur. “Le haut niveau des échanges”, “les liens d'amitié” et la sécularité des relations entre les deux pays y ont été mis en évidence. M. Dembri a rappelé la visite de M. Bouteflika à Londres en 2006, la première d'un chef d'Etat algérien depuis l'Indépendance. Ce séjour ayant été consacré par la signature de différentes conventions. Sur un autre registre, le diplomate a fait le bilan des politiques engagées par l'Etat algérien en vue de restaurer la sécurité, relancer l'économie et attirer les investissements. Son homologue pense aussi que l'Algérie a accompli des progrès. Il a évoqué notamment l'engagement de grands travaux de construction d'équipements et de logements, le remboursement de la dette et une bonne santé financière, conséquence de la flambée des prix des hydrocarbures. Mais sur un autre plan, M. Henderson a fait la narration d'une série de points noirs qui ont mis de l'ombre à son tableau. “Avant de prendre mes fonctions en Algérie l'été dernier, j'ai été briffé par le Foreign Office où on m'a dit que les deux choses qui préoccupent les Algériens sont la maladie de leur Président et l'insécurité. Mais sur place, je me suis rendu compte que les gens sont plutôt confrontés aux problèmes de santé, d'éducation, de chômage et des prix du lait et de la pomme de terre. Une bonne partie de la société a perdu espoir”, a épilogué le diplomate. La preuve de ce désespoir, selon lui, est que 6 millions d'Algériens vivent hors de leur pays. Au niveau sécuritaire, il a affirmé que 2007 a été une très mauvaise année pour les Algériens avec de nombreux morts. “Les forces de sécurité ont obtenu quelques succès, mais les terroristes ont toujours la possibilité de nuire”, a noté l'ambassadeur. À ses yeux, l'insécurité a un impact négatif sur la capacité du gouvernement à attirer les investisseurs. Ayant été informé sur le scepticisme suscité par ses propos au sein de l'auditoire, M. Andersen est intervenu à nouveau à la fin de la conférence pour rectifier quelque peu le tir. “J'ai donné l'impression d'avoir été négatif. Mais je n'ai pas ressenti ça. Il y a des opportunités en Algérie. Mais, il ne faut pas ignorer qu'il y a aussi des problèmes”, a-t-il souligné. La recommandation exprimée par Gordon Marsden, membre des Commons et co-président de l'Association d'amitié algéro-britannique, sur la possibilité de dialoguer avec la plus modérés (soft) des éléments du GSPC également, n'est pas passée inaperçue. Elle a donné lieu à une réplique sèche du professeur Mohamed Meliani, de l'université d'Oran. “La violence est la violence. Elle n'est jamais soft”. De son côte, le docteur Hugh Roberts, spécialiste de la politique nord-africaine, a fait remarquer que d'ordinaire les Algériens n'aiment pas les donneurs de leçons. Toutefois, il regrette que le problème de l'alternance ne soit pas encore réglé dans ce pays, donnant lieu à une crise sans fin. S. L.-K.