L'Exécutif est décidé de maintenir le cap, la protection de l'économie nationale étant le principal objectif des mesures économiques prises. Depuis l'adoption de la loi de finances complémentaire, le gouvernement algérien subit un pressing diplomatique, puisque les politiques et diplomates ont pris le relais des opérateurs étrangers installés au pays, afin de le dissuader, ou tout au moins de reconduire les principales dispositions jugées trop protectionnistes, notamment celles relatives à l'importation et au crédit à la consommation dans la loi de finances 2010. Sur un ton qui ne laisse aucun doute, l'Union européenne, la France — premier fournisseur — et les Etats-Unis opèrent à tour de rôle dans le même sens pour maintenir “ouvert” le bazar algérien que le Premier ministre a promis de combattre. Implicitement, le forcing occidental prend pour cible Ahmed Ouyahia qui a publiquement endossé la nouvelle orientation économique. Et les membres du gouvernement de s'aligner derrière lui, conscients de l'urgence de mettre fin à l'hémorragie des réserves de change qui ont chuté presque de moitié — la fiscalité pétrolière a baissé de 50%. Après les ministres qui se sont investis et s'investissent encore, à l'image de Karim Djoudi, dans la mission d'explication des motivations et des objectifs des dispositions de la LFC, particulièrement à l'endroit des opérateurs économiques, les patrons de banques publiques qui ont adhéré à la nouvelle démarche de l'Exécutif ont entamé une campagne dans laquelle ils apportent un éclairage sur les avantages de la LFC, notamment pour l'entreprise algérienne. Aux tirs croisés des Occidentaux, l'Algérie organise la riposte tout en maintenant le cap de ce “choix irréversible”. Dernier acte en date, l'intervention du directeur américain des Affaires commerciales pour l'Europe et le Moyen-Orient, du bureau du représentant au commerce (USTR), en visite de deux jours à Alger, M. Paul Burkhead, qui a exprimé “les préoccupations et les inquiétudes des opérateurs américains” du nouveau dispositif qui devait, dans son processus d'élaboration, s'inspirer du modèle américain. “Beaucoup (de sociétés américaines) ont indiqué qu'elles ont été prises de court”, a-t-il dit lors d'une conférence de presse avant-hier. Ces sociétés reconnaissent les opportunités d'investissement en Algérie, mais déplorent, selon lui, le manque de transparence avant l'élaboration des lois. Autrement dit, les opérateurs américains ont désormais un alibi pour ne pas venir s'installer en Algérie. Cela sachant qu'hormis les hydrocarbures, les autres entreprises US ne s'intéressent pas à l'Algérie. Une menace à peine déguisée. Mais les Américains se sont pris en retard et n'ont pas fait mieux que les Français. Après les officiels, les ministres, ce sont les élus de Marseille, port et ville (MPE/PMI et sociétés d'export), qui sont directement affectés par la chute drastique du flux vers l'Algérie. Ainsi, les élus du sud de la France veulent rencontrer le Président parce que, sans s'immiscer dans les choix économiques de l'Algérie, disent-ils, “les mesures prises par le gouvernement algérien ont des conséquences particulières sur les PME et les entreprises portuaires de Marseille”, renchérit Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur qui entend allier la diplomatie aux efforts des collectivités locales. Un forcing et un plus de pression sur le gouvernement algérien sont clairement envisagés. Parade pour exporter les effets de la récession En face, le choix étant fait, il fallait dissiper les réticences des opérateurs nationaux ; les ministres l'ont à l'unanimité endossé. Après les déclarations jugées autoritaires d'Ahmed Ouyahia, accusé accessoirement de tous les maux, le ministre des Finances s'est largement expliqué. Il ne se passe pas une semaine, depuis l'adoption du dispositif, sans que Karim Djoudi n'intervienne à ce sujet, expliquant et détaillant les mesures prises. “Les décisions visent, en premier, à protéger et à développer la production nationale”, a-t-il expliqué sur les ondes de la Chaîne III. Il est évident, dans son optique, que le gouvernement ne peut pas rester sans réagir devant les risques induits par le “tout-import”. De 7 milliards de dollars en 2006, les importations ont fait un bond à 40 milliards de dollars en 2008, dont 11 milliards pour les services. Cela au profit des étrangers et au détriment de l'économie et de la production nationale. Les investissements étrangers n'ont pas afflué malgré les mesures encourageantes et les investisseurs n'ont pas, de l'avis du ministre, tenu leurs engagements. La mesure du crédit documentaire instituée comme unique mode de paiement des importations vise, selon le ministre, à assurer la traçabilité et la qualité des produits. Les dégâts du “transfert libre” sont visibles dans tous les marchés algériens. Même effets du crédit à la consommation devenu (à 80%) un crédit automobile. Après avoir créé une société de leasing avec la BNA, la BDL a programmé une série de rencontres avec les opérateurs nationaux où il est question d'éclaircissement des dispositions de la LFC, notamment celles les concernant directement. Le directeur de la banque, M. Mohamed Arslane Bachtarzi, abondera dans le même sens que le ministre en soulignant l'intérêt de l'opérateur en ce sens qu'il lui sera plus facile de négocier les baisses des prix auprès des fournisseurs. Celle-ci peut varier de 3 à 5%. Le crédit documentaire est un outil de planification de choix vu qu'avec ce mode de paiement, l'opérateur peut planifier ses stocks, a souligné M. Bachtarzi à Oran devant les opérateurs de l'Ouest. En plus de la suppression des surcoûts, le fournisseur se faisant payer cash, les risques de fraude sont infimes. Des dispositions saluées par la Centrale syndicale ainsi que par des opérateurs économiques, notamment le patron de Cevital M. Issad Rebrab, en ce sens qu'elles visent principalement à protéger la production nationale. En définitive, les intérêts de l'Algérie et ceux des opérateurs étrangers semblent sérieusement diverger et ont atteint les limites du divorce. Ce qui explique les réactions des politiques et des chancelleries accréditées à Alger. La tentation d'exporter les effets de la crise économique est trop visible dans les intentions des partenaires de l'Algérie qui n'hésitent pas à “contester” ses choix “protectionnistes”. Mieux, ils tentent par des méthodes non conventionnelles d'ouvrir des marchés pour les produits de leurs entreprises protégées ou subventionnées. L'exact contraire de ce qu'ils veulent imposer à l'Algérie. Aussi accusent-ils ouvertement Ahmed Ouyahia d'être protectionniste à outrance. À peine s'il n'est pas taxé de socialiste. Comment d'ailleurs n'ont-ils pas osé demander sa tête !