Aïn El Hdjel a trouvé sa vocation depuis maintenant une vingtaine d'années en devenant l'une des plaques tournantes de la restauration en Algérie. Située sur la RN8 à l'ouest du chef-lieu de la wilaya M'Sila, son essor a été formidable. Sa population est passée de 5 000 habitants dans les années 1970 pour atteindre aujourd'hui plus de 40 000. Un fonctionnaire nous explique les raisons qui ont attiré autant de gens en un laps de temps aussi court. “D'abord, le phénomène de la sécheresse qui s'aggrave d'année en année encourage l'exode, ensuite, il ne faut pas oublier les années de terrorisme et en dernier ce que la restauration génère comme bénéfices pour les investisseurs.” Le regard du visiteur, qui coulisse de l'entrée nord jusqu'à la sortie sud, est vite happé par le nombre impressionnant de cafés, de restaurants et de boucheries alignés de façon uniforme. Selon les statistiques, il y a 63 cafés, 52 restaurants et 20 boucheries. Les yeux et les papilles sont sollicités à tout moment et il est difficile pour celui qui traverse la ville d'ignorer tout ça et de continuer sa route. À partir de là, toute une stratégie a été adoptée pour ne pas rater le moindre client voyageur. En premier, des enseignes multicolores signalent que le lieu possède “toutes les commodités”, qu'il dispose “d'une salle familiale” et que “les prix sont abordables” et pour convaincre les plus réticents, une cohorte de barbecues fumants, exposés dehors, achève le travail d'appât. Mais derrière cette façade, les commerçants se livrent une guerre sans merci pour grignoter des parts de marché ou pousser un nouveau venu à mettre la clé sous la porte et jusqu'à décourager tout investisseur qui est tenté par l'aventure de la restauration. Les prix de l'immobilier ont atteint des proportions qui frisent la folie. Il n'existe aujourd'hui aucune parcelle ou bâtisse à vendre sur la RN8. Un commerçant nous affirme à ce sujet : “Qui voudrait se débarrasser de la poule aux œufs d'or ?” Certains propriétaires, dans le but de donner plus de chances à leur commerce et booster leurs recettes, s'associent avec des cuisiniers-gestionnaires qui viennent essentiellement de deux villes réputées pour leurs cordons bleus, à savoir Jijel et Biskra. Un autre aspect à ne pas négliger et qui a fait le vide autour de Aïn El Hdjel dans le domaine de la restauration, ce sont les accords passés avec les bus qui font les longs trajets, surtout vers le grand sud. Ce n'est un secret pour personne que les restaurateurs rétribuent les chauffeurs et les receveurs de ces bus qui s'arrêtent devant leurs établissements ; on parle de 10 000 DA pour le premier et de 7 000 pour le second par mois. Dans ces cas, le client n'a pas grand choix mais l'essentiel est la bonne qualité de ce que l'on mange et le respect des normes d'hygiène pour éviter les mauvaises surprises. Slimane Aït Sidhoum