Les prises de position de Jamel Debbouze sur le Sahara Occidental et la “marocanité” du Sahara, ainsi que sa promiscuité avec le roi Mohammed VI font de son passage à Alger un sujet sulfureux. C'était il y a quelques jours, les journaux algériens annonçaient en une, deux spectacles de Jamel Debbouze au TNA pour les 5 et 6 avril prochains. Mohamed, un jeune réfugié sahraoui, rencontré devant le centre d'information de la RASD, rue Didouche-Mourad, n'en croit pas ses yeux. En montrant les photos de compatriotes torturés par l'armée et la police marocaines, il manque de s'étrangler en rappelant que “Jamel Debbouze s'est publiquement prononcé pour l'annexion de mon pays”. Lorsque l'on objecte qu'il s'agit d'un artiste, Mohamed répond : “Il n'y a pas de problème, il ne fallait pas qu'il fasse de déclarations politiques sur la marocanité du Sahara Occidental pour être dans les bonnes grâces du roi du Maroc.” En continuant de lire l'article, il tombe des nues en découvrant que les spectacles sont organisés par H2, une société d'événements culturels jusque-là inconnue. “H2 c'est comme Hassan II. Pourquoi pas M6 organisation pendant qu'ils y sont ?”, ironise le réfugié le regard malgré tout embué, “mais je sais que les Algériens ne se laisseront pas prendre”. Renseignements pris, si la direction du TNA confirme avoir été sollicité pour héberger deux spectacles de l'humoriste franco-marocain, elle dément avoir jamais donné son accord. En coulisse, une cacophonie assourdissante entoure la venue de l'artiste franco-marocain. La correspondance entre DEB JAM Productions, la société de Jamel Debbouze, et Chaos Productions en date du 14 février dernier parle déjà d'un spectacle au TNA. Un autre courrier que nous nous sommes procuré en date du 18 mars 2006 de la Ligue des Sports pour handicapés et inadaptés de la wilaya d'Alger, adressé aux organisateurs confirme son “accord pour le spectacle (…) de Jamel Debbouze qui aura lieu à Alger au Théâtre national algérien, le mercredi 5 et le jeudi 6 avril 2006”. Depuis quand une ligue pour handicapés, fût-elle de la wilaya d'Alger, est-elle chargée de la programmation du TNA qui ne dépend pas de la wilaya d'Alger ? Contacté par Liberté, Arslan Harmat, le gérant de H2 Organisation qui a invité Jamel Debbouze, noie le poisson. Préférant ne pas évoquer le refus du TNA, il estime, on croit rêver, que l'acoustique et l'éclairage de l'ancien opéra d'Alger n'étant pas à la hauteur, il a préféré se rabattre sur la salle de conférences de l'hôtel Hilton qui offrirait, on croit toujours rêver, de meilleures garanties pour la qualité du spectacle. Pour mener à bien son projet, Arslan Harmat prétend avoir reçu le soutien de sponsors privés et publics, comme Nedjma et Sonatrach, et assure avoir l'accord de l'ensemble de la presse algérienne pour la diffusion de publicité gratuite. Lorsque nous avons demandé à entrer en contact avec Jamel Debbouze pour lui poser des questions sur ses déclarations politiques, il nous a été répondu que l'artiste ne s'exprimerait pas dans la presse algérienne avant la conférence de presse qu'il doit tenir le matin de son premier spectacle. Histoire sans doute de mettre tout le monde devant le fait accompli. Debbouze refuse de s'expliquer sur ses déclarations Pour les promoteurs de H2 : “Jamel Debbouze s'est montré très coopératif et a été très content dès qu'on lui ait proposé de venir ici. Il n'est venu qu'une seule fois à Alger. C'était en 2003, lors de l'événement “Jil Music”, mais il n'avait pas donné de spectacle.” Il faut savoir que ce spectacle entre dans le cadre d'une tournée que l'humoriste compte entreprendre au Maghreb. Initialement, il devait présenter un spectacle par pays, mais pour Alger, il a fait exception en y donnant deux représentations. Par ailleurs, il n'y aura d'after show que pour ses spectacles algérois. “Concernant son cachet, je ne peux pas le révéler. Néanmoins, il faut souligner que Jamel Debbouze a fait un cachet-cadeau à l'Algérie”, indique le promoteur comme si l'Algérie n'avait pas les moyens de “s'offrir” des stars du spectacle. Les prises de positions de Jamel Debbouze sur le Sahara Occidental et la “marocanité” du Sahara, ainsi que sa promiscuité avec le roi Mohammed VI font de son passage à Alger un sujet sulfureux. L'ancien enfant de Trappes est un familier de la cour du roi du Maroc au point qu'il est de toutes les soirées privées qu'organise la monarchie à Marrakech, Tanger ou Casablanca. Des audiences privées avec le roi du Maroc Habitué à une politique marketing agressive qui vise à attirer le maximum de touristes étrangers, en premier lieu les VIP du monde entier, le palais royal trouve dans la personnalité et le personnage de Jamel Debbouze un “ambassadeur” des thèses marocaines de premier choix. Drivé par Serge Berdugo, le conseiller personnel de Mohammed VI et membre influent de la communauté juive marocaine, Jamel Debbouze a lancé le projet de transformer la sinistre localité de Ouarzazate, de triste réputation à cause de son bagne qui a vu mourir dans le secret des centaines d'opposants politiques marocains et de militants sahraouis, en une sorte de studio de cinéma. Un “Hollywood marocain”. Pour cela, Debbouze trouve dans ses amis stars le parfait relais à un lobbying marocain forcené que le journaliste du quotidien Le Monde, Jean-Pierre Tuquoi, décrit à merveille dans son récent livre, Majesté, je dois beaucoup à votre père… (Chez Albin Michel) qui décortique les relations intéressées que lie la jet-set artistique et médiatique parisienne au palais royal. En contrepartie, de Riads à Marrakech, ces stars françaises, emmenées par Debbouze, font étalage de leur admiration pour le “système marocain”, régime connu pour être “démocratique” et n'hésite pas à appuyer les prétentions territoriales du Maroc sur “ses provinces du sud”, quitte à traiter le front Polisario de tous les noms. D'ailleurs, avant son passage à Alger, Jamel Debbouze a curieusement annulé un spectacle au Théâtre de Beausobre, prévu initialement du vendredi 31 mars au dimanche 2 avril. Raison invoquée officiellement par les organisateurs : “L'artiste est invité pour une audience, sollicitée depuis longtemps, chez le roi Mohammed VI du Maroc”. Quand on connaît la difficulté des hauts cadres marocains à se faire recevoir en privé par le monarque alaouite, on se demande que peut bien conseiller Mohammed VI à Jamel Debbouze avant son arrivée à Alger dans une semaine. Reste que Jamel Debbouze à Alger est considéré comme une “vexation” par les Sahraouis qui connaissent le personnage pour l'avoir vu faire le baise-main à Mohammed VI comme un sujet marocain. D'ailleurs, les positions de Jamel Debbouze intriguent même à Paris lorsqu'il soutient en direct à la télévision son “ami”, l'humoriste Dieudonné, complètement cassé par le lobby juif pour ses déclarations jugées antisémites, et le critique, une semaine après en se rangeant aux côtés de ses amis juifs que sont Alain Chabat (les Nuls de Canal +) ou Gad El-Maleh. Selon le chercheur au CNRS et philosophe, Pierre-Henry Targuieff, Debbouze tente de faire de “l'équilibrisme” entre ses “amis marocains antisionistes” et ses amis “juifs”. Ainsi, Debbouze est connu pour être le protégé du roi Mohammed VI et son “bouffon” préféré. Le palais royal ne lui refuse rien. Même pas le concours de l'armée royale marocaine dont des unités ont été déplacées du “mur du sable” vers les lieux de tournage d'un film : Indigènes, évoquant le passé de son grand-père (un tirailleur marocain). Officiers, soldats et matériel d'une armée, qui a colonisé une partie du Sahara Occidental, ont ainsi prêté un concours gracieux à Djamal Debbouze. Abdel T.