Pour dénicher l'oiseau rare pour le poste de directeur national, le nouveau président de la FAF, M. Hamid Hadadj, s'est souvenu qu'à l'époque où il était joueur au Racing universitaire d'Alger, au poste d'arrière droit, il avait à ses côtés, pour un bon bout de temps, un gardien de but, un certain Fodil Tikanouine. C'était dans les années 70, à l'époque où les deux compères défendaient ensemble la citadelle du RUA, histoire de s'échapper un tant soit peu à l'emprise des amphithéâtres. Puis, chacun a pris son chemin au gré de sa vocation. Pour Hadadj, les études d'ingéniorat le menèrent dans le monde de la gestion alors que Tikanouine préféra tracer son sentier de la vie dans cet univers passionnant du football. Le RC Kouba lui mettra rapidement le grappin dessus pour en faire son keeper privilégié. À la fin de sa carrière, il fut le premier algérien à décrocher le diplôme de professeur d'éducation sportive et physique, spécialité football. En parallèle à de courts passages sans relief dans certains clubs, Tikanouine se consacre à la formation au niveau de l'ISTS pour former les futurs entraîneurs de football, dont certains activent aujourd'hui dans le championnat national. Théoricien invétéré, il se battra pendant longtemps pour la prédominance de la science dans la pratique du football. La tâche noire… suisse Son sens de la communication et de la persuasion fera de lui l'homme de confiance d'une autre figure emblématique du football algérien, en l'occurrence Omar Kezzal. Désigné en juillet 1982, soit juste après le Mondial espagnol, Kezzal fera appel à lui pour intégrer la direction technique national. À l'époque, l'accession à ce poste passait par des élections et concernait une direction collégiale menée par trois responsables. En compagnie de Saïd Amara ,Smaïl Khabatou, il sera donc élu à la DTN. Lors de la phase finale de la CAN 84, Tikanouine sera même l'adjoint de Khalef Mahieddine dans un staff mis en place à la hâte suite au départ de Saâdane. Cependant, un événement regrettable allait écourter le mandat de Tikanouine à la DTN et même celui du bureau fédéral de Kezzal. Il s'agit, en fait, de la fameuse affaire du match Suisse-Algérie. C'était au mois d'avril 1984, l'EN, après avoir joué un match amical aller à Alger face aux Suisses, devait se rendre donc à Zurich pour le match retour conformément à un contrat dûment signé par les deux fédérations, algérienne et helvétique. En l'absence d'Omar Kezzal, hospitalisé à Paris, c'est la DTN qui prend en charge l'organisation du match. Juste après donc la rencontre aller, Tikanouine, Khabatou et Amara décident d'envoyer les Verts affronter les Suisses à Zurich. Mais une fois sur place, à l'aéroport point de responsables de la fédération helvétique. Personne à l'accueil. N'était-ce l'intervention des responsables de notre ambassade en Suisse, la délégation algérienne aurait été livrée à elle-même dans un pays étranger. Alerté, la fédération suisse s'étonne même de la présence de la sélection algérienne sur son sol. “Mais il n'a jamais été question d'un match amical contre l'Algérie. D'ailleurs, nous n'avons pas eu de fax nous prévenant de l'arrivée de l'équipe algérienne”, expliquait-elle. C'est ainsi que les Verts furent traînés dans la boue par la faute, visiblement, d'une DTN mal gérée. Ils reviendront bredouilles à Alger. L'affaire fera scandale et les pouvoirs publics décident de mettre le holà. Le bureau fédéral est éjecté et jeté à la vindicte populaire. Au sein de la DTN, les trois hommes se renvoient la responsabilité dans les coulisses. Même le défunt Moulay, le secrétaire général de la FAF de l'époque, n'est pas épargné par les critiques. Bref, pour son premier passage à la FAF, Tikanouine sort par la petite porte au nom de la responsabilité collégiale. Blessé dans son amour-propre, Tikanouine encaisse mal le coup. Il prend son mal en patience et ira poursuivre son travail dans son domaine de prédilection, la formation des formateurs. 1990, le titre africain, puis le naufrage de Ziguinchor Fidèle en amitié, Tikanouine ne peut résister, en 1989, à l'appel de son ami de toujours Omar Kezzal pour intégrer la liste pour le bureau fédéral de la FAF. Il revient donc à la fédération en tant membre du BF et sera désigné ensuite DTN. Pour Tikanouine, l'heure de la revanche sur le sort a sonné. Une année plus tard, l'EN est sacrée champion d'Afrique à Alger. Le seul titre continental que compte l'Algérie. Pour Tikanouine, le triomphe a une saveur particulière. L'affront suisse est lavé. Pas pour longtemps, puisque deux ans plus tard, le sort continuera à s'abattre sur Tikanouine. En effet, lors de la phase finale de la CAN 92 au Sénégal, l'EN est éliminée sans gloire dès le premier tour. En Algérie, cette disqualification prématurée pour un champion d'Afrique en titre est perçue comme une humiliation. Le ministre des Sports, Mme Leïla Aslaoui “répudie” le bureau fédéral. Tikanouine quitte de nouveau la scène sur la pointe des pieds. Sur un autre scandale fortement médiatisé par une presse libre naissante. C'est le deuxième affront de sa vie de dirigeant. Pis, en 1994, le nom de Tikanouine est de nouveau cité dans un autre scandale, celui de l'affaire Karouf. L'on se rappelle que l'EN avait été disqualifiée de la phase finale de la CAN 94 en raison de la participation du joueur Karouf à un match des éliminatoires alors que qu'il était sous le coup d'une suspension automatique. Le ministre de l'époque, Sid-Ali Lebib, décide de frapper fort et sanctionne un certain nombre de dirigeants. Fodil Tikanouine serait parmi le lot pour des raisons inconnues. C'en était trop pour lui, alors il décide de partir loin du pays, en Allemagne précisément. Le scientifique du football trouve son bonheur dans le pays de la rigueur et du pragmatisme. Il enrichit ses connaissances et collectionne les diplômes de cycles supérieurs. Aujourd'hui, il est le grand favori pour le poste de DTN à un moment où le football algérien vit une grave crise. Sous réserve de l'aval du MJS qui doit donner sa réponse incessamment pour sa candidature, Tikanouine revient sur un terrain qui a été de tout temps, pour lui, parsemé d'embûches. S. B.