Le 18 avril 2001. Alors que la Kabylie s'apprêtait à commémorer le “Printemps amazigh” dans la ferveur habituelle et l'effervescence intellectuelle coutumière, un événement fit tout basculer, brutalement : la mort de Guermah Massinissa, un jeune lycéen de Béni Douala, assassiné à la brigade de gendarmerie. Cette “bavure” eut pour effet de précipiter toute la région dans une spirale de violence dont les stigmates, tels des témoins irrécusables ad vitam, sont visibles aujourd'hui dans toutes les localités, hier théâtre d'affrontements violents entre les forces de l'ordre et les jeunes manifestants, dont 126 ont laissé leur vie dans ce combat pour la dignité et la citoyenneté. Avril 2006. La Kabylie commémore le cinquième anniversaire du Printemps noir dans un climat apaisé. Nous sommes, en effet, loin de ce décor chaotique d'émeutes. Aujourd'hui, la région a tourné la page à la violence, à la faveur d'un laborieux processus de stabilisation dont l'ultime étape aura été l'organisation des élections partielles locales. Cette consultation, quand bien même elle n'aurait pas été un exemple de participation — et pour cause —, aura néanmoins permis aux acteurs politiques traditionnels de la région, marginalisés pendant les moments de violence, de reprendre la main. En particulier le FFS et le RCD, qui ont confirmé leur ancrage profond dans cette région, dont ils restent les représentants majoritaires. Grâce à ces élections partielles qui sont l'une des conséquences du dialogue marathon entre les délégués du mouvement citoyen et le gouvernement, les assemblées locales sont pourvues d'élus. La mission de ces derniers consiste singulièrement à rétablir les canaux de communication entre la population et les institutions de l'Etat, ce qui est d'autant plus difficile que leur mandat est limité dans le temps. Un défi majeur quand on sait la méfiance des habitants de la région à l'égard de la chose politique, auquel se greffent des attentes multiples. En effet, les populations de Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira ont accusé un retard préjudiciable par rapport aux autres régions du pays à cause, en grande partie, des années de troubles. Il s'agit pour les édiles locaux d'apporter des réponses aux problèmes du logement, d'emploi, d'infrastructures de base. Il s'agit aussi de prendre à bras-le-corps des “pathologies sociales”, autrefois étrangères à la région comme la délinquance, l'insécurité, le suicide qui ont fait irruption à l'ombre de la marche du mouvement citoyen qui appelle aujourd'hui à un droit d'inventaire. N. S.