Elle révèle en même temps que les acteurs politiques dans l'Hexagone, aussi bien dans le pouvoir que dans l'opposition, sont toujours prisonniers de la vision néocoloniale de l'Algérie. On dit que la politique, c'est l'art du possible. Dans le cas de la France, les contradictions dans la stratégie de Matignon et de l'Elysée sur l'Algérie viennent d'être étalées au grand jour. Alors que le président Chirac avait supprimé l'article 4 de la loi du 23 février, qui a glorifié la présence coloniale française en Afrique du Nord, son ministre des Affaires étrangères a remis, hier, cette vision de l'histoire à l'ordre du jour. Au-delà du fait que la réaction de Philippe Douste-Blazy se veut une réponse aux propos du président Bouteflika, elle confirme aussi et surtout qu'il a été l'un des principaux inspirateurs de la loi controversée qui a jeté un froid dans les relations bilatérales. Mais le contexte dans lequel interviennent les déclarations, pour le moins provocantes, du chef de la diplomatie française est fort particulier. Il y a d'abord la mise à mort du traité d'amitié en raison de la persistance de certaines entraves liées aux conditions draconiennes, voire humiliantes d'octroi de visas et le parti pris de Paris en faveur du Maroc dans le dossier du Sahara Occidental. Ensuite, il y a le rapprochement algéro-américain annoncé officiellement par Mohamed Bedjaoui, notre ministre des Affaires étrangères, lors de sa visite à Washington ainsi que la diversification des partenaires économiques à travers les contrats signés avec les firmes asiatiques et l'accord d'armement conclu avec les Russes. Enfin, il faut relever cette volonté affichée de l'UMP, parti au pouvoir, de courtiser l'électorat de l'extrême droite en perspective de la présidentielle de l'an prochain. D'ailleurs, le Front national de Jean-Marie Le Pen s'est mis de la partie pour remettre sur le tapis la question des harkis et demander au gouvernement français d'exiger des excuses officielles du président Bouteflika. Il est évident que la démarche répond plus à des objectifs beaucoup plus électoraux, et il n'est pas exclu que le dossier Algérie fasse partie de la campagne pour la présidentielle. Mais, elle révèle en même temps que les acteurs politiques dans l'Hexagone, aussi bien dans le pouvoir que dans l'opposition, sont toujours prisonniers de la vision néocoloniale de l'Algérie. Du coup, ils ne sont pas encore prêts à une refondation des relations bilatérales sur la base du respect mutuel et des intérêts communs. S. T.