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La presse française se déchaîne
Hospitalisation du Président Bouteflika à Paris
Publié dans Liberté le 22 - 04 - 2006

Premier à ébruiter l'admission du président Abdelaziz Bouteflika dans l'hôpital parisien du Val-de-Grâce pour “un contrôle post-opératoire de routine”, Jean-Marie Le Pen, patron du Front national qui ne s'est pas fait prier pour jeter tout son fiel sur le locataire d'El-Mouradia, qui avait dénoncé trois jours auparavant “le génocide identitaire” commis par le colonialisme français en Algérie. “Je trouve scandaleux que M. Bouteflika se permette de dire cela publiquement et le lendemain d'être chez nous pour se faire soigner”, s'est indigné, jeudi sur les ondes de la radio RMC, le porte-drapeau de l'extrême droite française. Et de poursuivre : “Je ne comprends pas très bien que ce monsieur vienne se faire soigner chez les abominables colonialistes que nous sommes.” Lui emboîtant le pas, d'autres figures de la droite française se sont élevées contre l'hospitalisation, en France, du président algérien. “Au moment où le besoin de réconciliation entre la France et l'Algérie est si nécessaire, l'attitude du président Bouteflika, qui insulte la France le matin et vient s'y faire soigner l'après-midi, est indécente”, s'est emporté, jeudi, Nicolas Dupont-Aignan, député UMP. La même attitude est exprimée par un autre député UMP, M. Lionnel Lucas. “Il est particulièrement indécent que celui qui est un multirécidiviste de l'insulte à l'égard de la France vienne une nouvelle fois se faire soigner chez l'ancien colonisateur responsable d'un génocide identitaire”, assène le député des Alpes-Maritimes (Sud) qui, poussant le bouchon plus loin, considère qu'“il n'est pas normal que la France accepte cette venue”. Quant au député et professeur de médecine, Bernard Debré, se confiant au journal Le Parisien, il dit ressentir “une très grande fierté pour la médecine française. Et de la tristesse pour la médecine algérienne”. Et d'ajouter : “Après nous avoir copieusement injuriés, il vient nous demander de l'aider. Il aurait pu éviter ses déclarations intempestives.”
Les milieux politiques de droite et de l'extrême droite ont tous, dans un même hystérique accès de fièvre “nationaliste” teinté d'un racisme à peine voilé, crié haro sur la présence de Bouteflika, “l'ancien indigène”, sur le sol français pour des soins. Aux antipodes de la droite, la gauche, elle, a préféré observer un silence. Les autorités officielles françaises, quant à elles, ont essayé de calmer le jeu et de rassurer sur l'état de santé du président Bouteflika en indiquant, à la suite d'Alger, qu'il est à Paris pour “une visite de suivi médical prévu de longue date”.
Une assertion qui ne semble pas trop convaincre M. Daniel Debré qui n'hésite pas à soutenir, hier dans Le Parisien, qu'il a “plus que des doutes” sur la santé de Bouteflika, pour asséner ensuite : “Ce qu'on nous annonce ne cadre pas avec ce qui se passe aujourd'hui. Si à l'origine, c'était un simple ulcère, les médecins algériens pouvaient parfaitement le traiter en dix jours. Or, il est venu à Paris et est resté hospitalisé pendant plus d'un mois. On ne doit pas nous prendre pour des naïfs.” Le même scepticisme est partagé par nombre de journaux français qui ont rapporté les déclarations les plus hostiles au président algérien non sans s'interroger, à nouveau, sur la véritable nature de sa maladie. Dans son édition d'hier le quotidien Libération a refusé d'accorder le moindre crédit à la thèse d'une hospitalisation de Bouteflika, “prévue depuis longtemps”, pensant plutôt à une “aggravation” de son état de santé. “La virulence de cette déclaration (celle de Bouteflika à Constantine) semble, à elle seule, démentir que la venue à Paris du chef de l'Etat algérien était prévue depuis longtemps”. On le voit mal, en effet, s'en prendre aussi violemment à la France cinq jours avant de venir y effectuer un '”contrôle médical'', “au risque d'être moqué par des Algériens incrédules face à une telle contradiction”, écrit José Garçon, spécialiste de l'Algérie dans le quotidien de Serge Julie, dans un article intitulé : “Abdelaziz Bouteflika retrouve discrètement Paris”. Et d'asséner : “Tout indique en fait que l'état de santé du président algérien s'est brusquement aggravé pour qu'il préfère venir dans un hôpital qui connaît son dossier sur le bout des doigts. Quitte à s'exposer aux railleries de la population.” De son côté, le journal de droite Le Figaro estime, dans son édition d'hier, que “les inquiétudes sur l'état de santé de Abdelaziz Bouteflika ont été relancées, hier, après l'annonce d'une nouvelle hospitalisation à Paris du président algérien”. Non sans mentionner que la présente hospitalisation est la troisième depuis l'intervention chirurgicale subie en décembre dernier. Fréquentes visites qui, aux yeux du journal Le Parisien, “accréditent la thèse d'une maladie beaucoup plus grave qu'un simple ulcère, un cancer de l'estomac”. Dans un article au titre fort révélateur de “Bouteflika malade du secret d'Etat ?”, le magazine L'Express écrit : “Bouteflika au Val-de-Grâce pour ‘une visite de routine' ?” Nombreux sont ceux qui n'y croient pas, envisageant une brusque aggravation de son état de santé. Plus circonspect, Benjamin Stora, historien spécialiste de l'Algérie, a estimé sur LCI que “la maladie de Bouteflika est un secret d'Etat. Il n'est pas facile d'en connaître la nature”.
ARAB CHIH


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