Avec 629 tentatives de suicide et 60 suicides, cette wilaya est devancée dans ce hit-parade morbide par Tizi Ouzou, Constantine et Alger. En l'espace d'une décennie, le suicide a changé du statut particulier qu'il était pour s'inscrire, et durablement, dans le chapitre des statistiques. Le sujet, jadis tabou, a perdu ce caractère pour s'offrir comme solution finale face à une impasse sociale, affective ou pour représenter tout simplement l'ultime geste de révolte. Si les raisons diffèrent, les mêmes conséquences sont, cependant, au bout de l'acte. Au Centre intermédiaire de santé mentale d'Essedikia, fraîchement ouvert, l'on tente, dans le cadre d'un nouveau programme national expérimental, élaboré par le ministère de la Santé en 2001, de prévenir et de guérir les désordres psychologiques afin d'éviter le pire. Le suicide est l'un de ces phénomènes. Pour Mme Tahraoui, psychologue clinicienne au CISM, il existe plusieurs types de suicide dont la pathologie, avérée, est la dépression qui est le moteur principal qui pousse le candidat au suicide à franchir le pas. En général, la tentative réussit. Il y a aussi le suicide appel et le suicide chantage. Depuis son ouverture, le centre assure, quotidiennement, une dizaine de consultations, où l'écoute, la psychothérapie individuelle ou de groupe font partie de l'arsenal médical du groupe pluridisciplinaire qui y active. Les patients sont orientés vers cette structure, soit par les unités de dépistage et de suivi en milieu scolaire, soit par les services de sécurité ou encore par le réseau familial. Cependant, l'on assiste depuis à de nombreuses approches individuelles — une nouvelle tendance — qui sont dictées par l'impérieux besoin d'aide et d'écoute dans de nombreux cas de violences conjugales ou d'agressions sexuelles. Et c'est là que le centre trouve toute sa raison en dépistant, en amont, le désir de mort chez certains patients dépressifs. Quant à la prise en charge du suicidant, elle passe par un travail conjugué par une psychothérapie individuelle et familiale d'emblée. Mais, parfois, les psychologues du centre sont confrontés au refus des parents, lesquels préfèrent fuir la réalité en niant l'acte lui-même. La peur du qu'en dira-t-on et la conception sociale de l'acte, surtout lorsqu'il s'agit d'une fille, faussent toute approche thérapeutique. Perte de la virginité, grossesse en dehors du mariage refluent à la surface des explications, et la famille est frappée d'anathème dans le quartier. En 2005, Oran a été classée en quatrième position concernant les tentatives de suicide et les suicides. Avec 629 tentatives de suicide et 60 suicides (chiffres fournis par les UMC d'Oran), elle est devancée dans ce hit-parade morbide par Tizi Ouzou, Constantine et Alger. En 2003, ce sont 508 tentatives de suicide qui ont été enregistrées aux UMC d'Oran. Dans un projet de recherche intitulé Suicide et tentative de suicide des jeunes à Oran, initié par un groupe de chercheurs du Crasc, il est clairement défini l'absolue nécessité de créer un centre de prise en charge des suicidants pour mettre un terme à la souffrance qui peut engendrer d'autres troubles du comportement. Mais en l'absence de statistiques uniformes et centralisées, nous dit Mme Sebaâ, chargée de cours au département de psychologie à la faculté des sciences sociales d'Oran, il est très difficile d'arrêter un chiffre sur ce phénomène qui ne cesse de s'amplifier. SAID OUSSAD