Depuis le début de l'année 2007, ce sont 53 personnes qui se sont volontairement donné la mort. Des chiffres qui ne font que confirmer la thèse selon laquelle ce phénomène serait en nette progression. Cet état de fait place l'acte du suicide parmi les priorités des problèmes de santé publique. . Sur la base d'une étude réalisée sur le sujet par la Gendarmerie nationale, il est démontré qu'en l'espace de dix années, le nombre de suicides est en augmentation constante. Entre 1993 et 2003, ce chiffre a carrément triplé. Il s'avère également que les principales wilayas touchées par le phénomène sont Tizi Ouzou, Béjaïa, Sétif, Bouira, Oran, Skikda, Mila et Tlemcen. Elles ont atteint, à elles seules, près de 54% des cas de suicide jusque-là recensés. Selon les graphiques illustrant cette étude, c'est dans la wilaya de Tizi Ouzou où le plus grand nombre de suicides a été enregistré. Il avoisine, durant la période allant de 1993 à 2003, les 400 cas. Ces chiffres sont d'autant plus alarmants lorsqu'on sait qu'ils ne sont pas réellement représentatifs de la situation. Notamment en Kabylie où les services de la Gendarmerie nationale ne sont pas suffisamment présents. S'ajoute à cela un manque ou une dissimulation des données nationales en raison des tabous qui entourent le phénomène. Il faut rappeler que le suicide ou la tentative de suicide sont tous deux “interdits” par notre religion et, de ce fait, l'acte du suicide, lorsqu'il est commis et réussi, est le plus souvent dissimulé par la famille du défunt. Et ce, même dans le cas où le suicide est raté. Malgré cette volonté sociale affichée de minimiser la gravité et l'ampleur du phénomène, il ressort tout de même de cette étude que durant les dix dernières années, les services de la Gendarmerie nationale ont eu à traiter 4 411 affaires dont 3 342 cas de suicide et 1 069 tentatives de suicide. La majorité des suicidés est détenue par les hommes puisque leur nombre atteint les 2 500, contre 842 pour les femmes qui, elles, sont plus nombreuses à tenter de se suicider qu'à réussir à le faire. La lecture et l'analyse des statistiques établies sur ce sujet permettent de tirer certaines conclusions. On constate en premier lieu que 2 954 des personnes suicidées, soit 67%, sont de sexe masculin, et 1 457 personnes, soit 33%, sont de sexe féminin qui sont pour la plupart célibataires, à savoir 65% des suicidés. Ceci confirme l'impact du facteur de l'intégration sociale, qui lorsqu'elle est défaillante, détermine le passage à l'acte du suicide. Il est également possible de relever que le suicide touche de manière plus importante deux tranches d'âge. Il s'agit d'abord des jeunes, dont l'âge se situe entre 18 et 40 ans, et les personnes plus âgées, souvent proches de la retraite. On remarque aussi que de plus en plus d'adolescents ont recours à cette pratique. Il s'avère également que les personnes qui se sont suicidées sont en majorité illettrées, 3 529 cas sur 4 411 affaires constatées en dix ans, soit 80%. Quant à la répartition selon la catégorie socioprofessionnelle, elle permet d'établir un lien direct entre le suicide et le chômage. Les sans-profession représentent 63% des suicidés contre 11% pour les fonctionnaires, 12% pour les employés, 8% pour les professions libérales et seulement 6% pour les étudiants. En outre, l'étude révèle que 70% des cas de suicide sont commis par pendaison, notamment chez les hommes. En ce qui concerne les 30% restants, les moyens les plus utilisés sont l'empoisonnement, les armes à feu ou les armes blanches, les chutes et les noyades. Il s'avère également que les causes de suicide sont le plus souvent totalement méconnues. Le suicide étant toujours considéré comme un acte contraire à l'Islam, aux traditions et aux coutumes, il demeure caché et les mobiles sont rarement divulgués par les familles. Même les médecins contribuent à entretenir le tabou qui entoure le thème du suicide en refusant trop souvent de déclarer les cas de suicide par souci de protéger la réputation des familles. Ceci dit, le suicide, qui est avant tout un acte traduisant la détresse, est le plus souvent attribué aux troubles mentaux, aux problèmes sociaux, aux dépressions nerveuses et surtout au désespoir. Néanmoins, il serait absurde de penser que les suicidés sont tous des personnes souffrant de troubles mentaux, car en prenant en compte tous les paramètres qui mènent à ce type d'acte, on s'aperçoit qu'il est possible d'éviter le suicide en réglant les problèmes liés à l'existence et à la vie des personnes les plus désespérées. Amina Hadjiat