La commémoration du 50e anniversaire de la création des Forces armées royales marocaines (FAR) remet au goût du jour la problématique de l'équilibre militaire au Maghreb. Le défilé militaire auquel s'adonneront aujourd'hui les FAR ressemble, à s'y méprendre, à une démonstration de force dans un contexte régional marqué par le contrat d'armement signé entre Alger et Moscou en mars dernier. Des voix marocaines se sont notamment élevées à ce moment-là pour accuser l'Algérie de chercher à provoquer un déséquilibre des forces militaires dans la région. Alger s'adonnant, selon la lecture marocaine, à une soi-disant course au “surarmement” dans une logique de prolifération militaire. Certains y ont même vu un “danger pour l'équilibre stratégique” au Maghreb. Cette vision des choses est également avancée à chaque visite ou déplacement de hauts responsables militaires algériens à l'étranger ou à l'arrivée de délégations étrangères en Algérie. Première institution et “symbole de la souveraineté” du Maroc, les capacités de l'Armée royale sont toutefois loin d'être négligeables. Les FAR, non soumis ces dernières années à un embargo pour l'acquisition d'équipements militaires, disposent d'un matériel de pointe, notamment américain, français, biélorusse, sud-africain, chinois, italien, tchèque et russe. Paris et Washington sont les principaux et traditionnels fournisseurs du royaume chérifien. L'aviation militaire marocaine possède, entre autres, des avions de chasse de type F5 fournis par les Américains, des F16 donnés par les Saoudiens, des mirages F1 et 2000 achetés auprès des Français, ainsi que des hélicoptères de combat de type Cobra (USA), Alouettes, Puma et Gazelles (France). L'industrie de l'armement française a, par ailleurs, rééquipé dernièrement “quelques dizaines” de mirages F1 en installant de “nouveaux radars et de nouveaux ports de missiles MI-5 et roquettes du type ZU-50”. Les forces terrestres, quant à elles, possèdent des chars de bataille T72, déployés principalement à la frontière Est, des chars légers de types AMX, une artillerie avec des canons allant de 131 à 155 mm. Le Maroc a signé un contrat avec les Russes pour la livraison de missiles Toungouska pour quelques centaines de millions de dollars. Il possède également des radars et des équipements de détections nocturnes. Le royaume a profité, grâce au financement d'un groupe de télécommunications français, de la liquidation d'un stock d'armes ukrainien. Selon la presse du royaume, le Maroc devrait dépenser près de 1,4 milliard de dollars d'ici à 2007 alors qu'il aurait déjà dépensé au moins 1,3 milliard de dollars en 2003. Pour la même année, la CIA, dans son Factory Book, estime les dépenses militaires marocaines à près de 2,3 milliards de dollars, ce qui représente près de 5% du Produit intérieur brut marocain. Rabat, qui a de tout temps cherché à avoir une supériorité aérienne et militaire au Maghreb, voit d'un très mauvais œil le contrat algéro-russe et principalement l'acquisition de chasseurs MIG par l'Algérie, même si cette question relève strictement de la souveraineté nationale. Si l'Armée nationale populaire (ANP) a un équipement en accord avec ses capacités, ce dernier nécessite néanmoins une modernisation et une mise à niveau importante dans le cadre de la professionnalisation de l'ANP. D'autant qu'elle a été soumise, durant plus d'une décennie, à un embargo sur l'armement. C'est dans ce cadre que s'inscrit le contrat d'armement algéro-russe avec l'acquisition, entre autres, des avions de chasse, des sous-marins, des défenses anti-aériennes, mais également la mise à niveau du matériel existant pour les forces navales, terrestres et aériennes. L'enjeu étant pour l'Armée algérienne de se mettre aux standards internationaux, principalement ceux de l'Alliance atlantique avec laquelle l'ANP développe des relations de plus en plus approfondies. Lors de la célébration du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution, le 1er novembre 2004, le président Bouteflika avait annulé le défilé militaire pour, justement, éviter qu'il ne soit assimilé à une démonstration de force dans une période de tensions dans les relations bilatérales. Un geste que les Marocains semblent avoir oublié ou qu'ils n'ont pas compris à sa juste valeur. Samar Smati