Longtemps, le pays alaouite a cherché à s'assurer un leadership régional. A l'occasion de la célébration du cinquantenaire de la création des Forces armées royales (FAR), le Maroc a organisé un défilé militaire d'autant plus significatif qu'il est le premier du genre depuis les évènements de Skhirat qui ont failli coûter la vie au roi Hassan II. C'est dire l'importance que revêt cette parade aux yeux des dirigeants marocains et du roi Mohammed VI qui entendent envoyer un message clair au voisin algérien et au peuple sahraoui opprimé quant à la détermination de Rabat de maintenir sa domination coloniale au Sahara-Occidental. Prenant acte des récentes acquisitions de l'armée algérienne en équipements sophistiqués, notamment les Mig 29, le Maroc veut faire étalage de ses propres moyens et tenter, du coup, de donner à réfléchir aux observateurs de tout bord qui ont jugé l'équilibre des forces au Maghreb, plus ou moins modifié. Longtemps, le pays alaouite a cherché à s'assurer un leadership régional, au prix du bien-être et du développement durable d'un peuple assujetti à de graves difficultés économiques et sociales. Rabat a sacrifié des moyens énormes à un lobbying et à une course à l'armement qui ont lourdement grevé le budget du pays, le gouvernement étant obsédé par la prétention à jouer un rôle de puissance régionale sans avoir réellement les moyens de sa politique. Pendant que l'Algérie est restée, tout au long de la décennie 90, confrontée à de graves difficultés internes et à une réduction drastique de ses moyens financiers, au point de devoir passer sous les fourches caudines du FMI , le Maroc a caressé le rêve de saisir cette opportunité pour asseoir définitivement sa domination sur le Maghreb et le Sahel, non sans pérenniser l'occupation illégale du territoire sahraoui. Il a donc multiplié les initiatives en ce sens qui ont été autant d'équipées aventureuses, sacrifiant au passage les besoins multiples et urgents des populations, de plus en plus réduites à une misère indicible. Ce faisant, il a creusé le lit à l'émergence d'un islamisme qui, s'il paraît drapé du costume B.C.B.G de la mondanité marocaine, n'en recèle pas moins une large part de virulence dont on ne peut prédire quand et où elle se manifestera mais dont on peut être sûr qu'elle explosera, un jour ou l'autre. Avec la fin des années 90, l'Algérie résurgente a compromis cette ambition et annihilé cette démarche. Que reste-t-il dès lors, sinon une forfanterie dont le présent défilé militaire n'est qu'un petit avatar, à peine de nature à satisfaire l'ego d'une certaine composante de l'oligarchie marocaine, surtout si elle est tributaire du palais? Mais pour l'avenir, une fois balayées les velléités démonstratives des FAR qui semblent ne plus inspirer à la monarchie alaouite la crainte sacro-sainte qui l'a longtemps hantée, il faudra bien faire l'inventaire d' une aventure coloniale qui devient, d'année en année, une véritable fuite en avant, lourde d'hypothèques et de menaces pour l'avenir du pays.