Rabat ne s'est jamais réellement débarrassé d'une certaine paranoïa militariste à l'égard d'une Algérie conçue dans l'imaginaire du royaume que pour provoquer des bruits de bottes aux frontières. Le Maroc célèbre les 50 années de la création des FAR (les Forces armées royales). Pour fêter cet “événement”, Rabat a décidé d'organiser, aujourd'hui, un défilé militaire que les médias qualifient déjà de “grandiose” et qui va permettre à la monarchie d'exhiber ses dernières acquisitions militaires et son armement. Reste que cette démonstration apparaît davantage comme une exposition malvenue des capacités militaires marocaines alors que toute la communauté internationale appelle au sang-froid dans la région à cause du pourrissement du dossier du Sahara occidental. Le Polisario, qui garde l'arme au pied, a obtempéré aux appels au calme des puissances occidentales et est probablement sidéré de voir cet étalage d'armes sophistiquées dont une bonne partie est consacrée à les tenir en joue dans son propre territoire. On est réellement surpris de ce côté-ci de la frontière de constater que le Maroc ne s'embarrasse pas de détails dès qu'il s'agit de son armée qui demeure, la seule du Maghreb, à coloniser un territoire. Après avoir vociféré avec force sur chaque boulon d'avion qu'achète l'Armée algérienne, présentant cela comme une préparation à “l'agression” de leur territoire, on s'étonne que Rabat mette en avant ses blindés et ses avions dans un pays exsangue économiquement pour un effort de guerre qui bouffe 2 milliards de dollars au Trésor royal. Dénoncer l'équilibre de la terreur est une chose. Y contribuer est une autre. Alors que le président Bouteflika avait annulé le défilé militaire du 1er Novembre 2004, pour ne pas envoyer un signal négatif sur les intentions de l'Algérie, le Palais royal ne s'encombre pas pour expédier un signe assez négatif et plein de sous-entendus. Rabat ne s'est jamais réellement débarrassé d'une certaine paranoïa militariste à l'égard d'une Algérie conçue dans l'imaginaire du royaume que pour provoquer des bruits de bottes aux frontières. Avec cet esprit revanchard, les relations algéro-marocaines peuvent-elles s'apaiser ? Assurément pas, surtout qu'à l'inverse de Hassan II, trop méfiant d'une armée habituée aux putschs avortés, Mohammed VI se laisse, apparemment, trop guider par le cabinet des généraux qui l'avaient formé au sein des FAR. D'où l'hommage, un tant soit peu, incongru qu'il leur rend. M. B.