Les chaînes satellitaires arabes arrivent en force en Algérie et captent, comme jamais auparavant, l'attention du téléspectateur. Avec des copies conformes aux programmes de divertissement américains et une information qui ne peut être égalée à celle proposée par l'Unique, ces chaînes se veulent le dénominateur commun des pays du Maghreb, après la langue et la religion. L'Algérie en particulier. Al-Jazeera, MBC, LBC, Future, Rotana, Al-Arabia… autant de chaînes de télévision arabes auxquelles une bonne partie des algériens se sont attachés ces dernières années. Prônant le panarabisme, l'islamisme libéral (parfois radical) et le néolibéralisme, ces chaînes convoitent un marché publicitaire estimé à environ 600 millions de dollars dans la région du Maghreb. Un marché qui ne laisse pas indifférent et pour lequel ces chaînes ont adapté leurs programmes aux besoins du téléspectateur maghrébin. Côté information, elles garantissent une couverture et une analyse de l'événement que les chaînes locales ne peuvent assurer. Al-Jazeera en est la preuve concrète. Ainsi, le téléspectateur maghrébin, et algérien en particulier, est ébloui par une image diffusée sans “tabou”, un discours libre et une qualité de programmes de loin supérieur à ceux donnés par l'Unique et ses deux antennes, Canal Algérie et Algérie 3. cette mutation dans le champ audiovisuel algérien est essentiellement imputable au recul de la francophonie au Maghreb et des chaînes françaises particulièrement. Des études font état du déclin de ces dernières dans la région avec un taux de pénétration quotidien estimé à 25% en 2005 contre 29% en 2004. Et même si 47% des Algériens privilégient les chaînes françaises, le bouquet TPS notamment, il est impossible, aujourd'hui, de nier la réceptivité des algériens aux images diffusées par les chaînes satellitaires arabes. Une implantation qui se justifie par la fermeture de l'audiovisuel algérien et les bouleversements socioculturels qui se sont opérés en Algérie sur plus de seize années. La Star Ac, The Big Looser, Qui veut gagner des millions…, le divertissement panarabe L'engouement des algériens pour ces chaînes satellitaires commence d'abord par les chaînes musicales qui diffusent en boucle des clips des grandes stars de la chanson arabe. Ainsi, les groupies d'Assala Nasri, Magda Erroumi, Angham, Ragheb Alama et bien d'autres ont l'exclusivité de ces clips… la chaîne nationale ne peut les diffuser en temps réel. La vague Nancy Agram et Haïfa Wahbi, une voix à peu près et une plastique de rêve, ont instauré un nouveau mode de consommation chez les algériens, les algériennes précisément, à savoir l'image. La belle image. Les adolescentes en sont très influencées et poussent l'imitation du mode vestimentaire et du maquillage. Cependant, et pour garder le cachet musulman, le hidjab strict et le djilbab des années 1990 est remplacé par un autre plus moderne. Mais, c'est la chaîne libanaise LBC qui ancrera l'implantation des chaînes satellitaires arabes en Algérie. La Star Académie panarabe est un succès et ce, depuis sa première édition. La participation d'Algériennes, les sœurs Ghazali, renforcera la place de la chaîne et doublera son audience dans les ménages algériens. Le charme est définitivement installé et beaucoup d'algériens postulent pour des programmes de jeu panarabes proposés par ces chaînes comme : “Qui veut gagner des millions” et “Starting Over” (MBC) et “À la recherche de la Nouvelle Star” (Future), ou la “Socca Star” qui a vu la consécration d'un jeune de l'intérieur du pays. Après la téléréalité française, le téléspectateur découvre la version arabe d'un nouveau mode télévisuel. La plus proche de sa réalité socioculturelle. Al-Jazeera, l'information en continu et en arabe L'avènement, en 1996, de la chaîne qatarie d'information “satellitaire” en continu, Al-Jazeera, donnera un son de cloche différent de celui véhiculé par les chaînes de télévision occidentales. Elle sera une tribune pour les protagonistes de la scène politique algérienne, notamment ceux en exil ; ce qui se traduira par une forte audience parmi les téléspectateurs durant les années de crise. Prônant l'ouverture du débat aux différentes sensibilités, la chaîne gagnera vite du terrain en Algérie et s'imposera comme une source d'information crédible et incontournable au même titre que les chaînes françaises. Et même plus, et ce, dans la mesure où la chaîne a un dénominateur commun avec les algériens, celui de la langue et de la religion. Al-Jazeera est, en fait, la première chaîne de télé arabe qui offre un regard sur le monde. Désormais, ce sont les autres qui regardent les Arabes et non le contraire. Et même si certains attribuent le recul de la langue de Voltaire à l'arabisation et la déperdition scolaire, la majorité des foyers algériens restent arabophones. Ainsi, Al-Jazeera va pallier le manque d'information dont souffrait une majorité de la population, contrainte à la version de la télévision nationale. Affranchie du contrôle des régimes autoritaires arabes et des fortunes pétrodollars, la chaîne qatarie a instauré un nouveau mode d'information dans le monde arabe. Un mode qui a brisé le tabou de la vérité officielle et a prouvé que le débat contradictoire et le duel politique étaient aussi possibles dans des sociétés comme les nôtres. Sa couverture de la deuxième Intifadha en Palestine et de l'opération “Renard du désert” contre l'Irak ont placé la chaîne en opposition avec le traitement des chaînes occidentales. Al-Jazeera a réussi l'exploit de concurrencer l'américaine CNN et la britannique BBC. Pour nombre d'algériens, ils voient en elle la voix du monde musulman. Même si les regards des spécialistes en matière d'audiovisuel restent très controversés quant à ses rapports avec les Etats-Unis. Wahiba Labreche