Situé à la périphérie de la ville de Saïda, le quartier populeux et populaire de Boukhors compte plus de 32 000 habitants. Des bidonvilles ceinturent le faubourg et sont présents même en plein centre du quartier jouxtant de nouvelles constructions en dur. Les habitants du hangar auxquels nous avons rendu visite vivent l'enfer. Ils sont parqués, c'est le cas de le dire, dans une immense bâtisse en zinc, un ex-Souk el Fellah transformé pour la circonstance en une cité provisoire qui dure depuis douze ans. Les lieux sont dépourvus de toutes les commodités et pour s'approvisionner en eau, les habitants sont contraints de louer des citernes d'eau potable auprès des livreurs particuliers. Cinq familles y vivent en se disputant l'espace, utilisant toutes sortes de matériel récupéré. Tôles et panneaux en plastique servent de séparation entre les différentes familles. Une dame, âgée d'une trentaine d'années, nous exhibe un sac contenant plus d'une dizaine d'ordonnances médicales. “Nous sommes tous asthmatiques. Mon enfant âgée de 8 ans est gravement atteint et je n'ai pas les moyens financiers pour le prendre en charge.” La vie dans cette bâtisse en zinc est un véritable supplice. “En hiver, c'est une vraie glacière et en été c'est l'enfer”, nous dit un jeune chômeur. Non loin du hangar, ce sont 30 familles qui y ont élu domicile. Des constructions illicites qui ont poussé comme des champignons durant la décennie noire. Sur l'un des gourbis, on peut lire sur une tôle en gros caractères latins “visa-Saïda-Canada”. Les habitants du bidonville qui étaient affairés à poser une canalisation pour évacuer les eaux usées ont abandonné leur travail pour venir nous exposer leurs problèmes. Un habitant n'a pas ménagé les autorités en les accusant de faire dans le favoritisme. “Je suis fils et ancien moudjahid torturé durant la guerre de Libération nationale.” Il nous montre ses jambes brûlées au chalumeau. “Maintenant, ajouta-t-il, c'est mon pays qui me torture.” Mêmes les constructions récentes, les 1 000 logements censés être des habitations décentes et modernes, dévoilent toutes leurs malfaçons. Des fissures béantes dans les murs témoignent que les entrepreneurs ont triché et que l'administration a été complice. L'affaissement du sol d'un immeuble a été constaté ces derniers jours et aucune solution n'a été envisagée pour les locataires. Les habitants de Boukhors ne sont sollicités que le temps d'une campagne électorale où il leur est promis monts et merveilles. “Ensuite, ils sont rejetés et abandonnés tels des pestiférés”, conclut un de nos interlocuteurs qui comme tous les gens du quartier ne croit plus aux promesses de l'administration. F. Z.