Saisissant encore une fois l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la toxicomanie (décrétée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1987), des médecins algériens, engagés dans ce combat, ont alerté, hier, dans une conférence de presse tenue au siège du ministère de la Santé et de la Population, contre le phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur dans le pays, notamment parmi les jeunes adultes. Le Pr Ridouh, chef du service psychiatrique à l'hôpital de Blida, a reconnu qu'il n'existe pas encore de statistiques fiables sur le nombre de consommateurs de drogue en Algérie. “Il n'est pas vraiment possible de quantifier la toxicomanie en Algérie car il est difficile d'établir un profil type de la personne qui se drogue. Et puis les Algériens ne touchent pas aux drogues dures”, a-t-il avancé. Selon ce professeur en médecine, il faudra attendre quelques années pour que l'Office national de lutte contre la toxicomanie, qui dépend directement de la chefferie du gouvernement, centralise quelques chiffres importants. Le Dr Guesmi, chargé du programme y afférent au ministère de tutelle, a confirmé qu'aucune enquête nationale n'a été menée jusqu'alors sur le fléau. Ce médecin et ses collègues se sont accordés à dire qu'ils ne se basent, dans leur étude du phénomène, que sur le nombre des patients en cure. Ce qui représente un pourcentage infime des personnes qui consomment du cannabis, des psychotropes, des solvants, de l'alcool… soit tous les produits qui provoquent des troubles comportementaux dangereux. Jusqu'à présent, deux centres de prévention et de soins apportés aux toxicomanes sont opérationnels à Blida et à Oran. Trois centres intermédiaires sont ouverts à Annaba, Sétif et Bab El-Oued. Le Pr Laïdli, qui supervise le centre de Bab El-Oued, a indiqué qu'en 2004, il a traité 105 consommateurs permanents de drogue, tandis qu'ils n'étaient que 62 en 1999. “Si le nombre des consultants augmente, celui des consommateurs est exponentiel”, a expliqué le Pr Laïdli. 20% des toxicomanes se sont accoutumés au cannabis, tandis que 4,5% sont dépendants de l'alcool. Le conférencier, également chef de service de médecine légale au CHU de BEO, a affirmé, en outre, qu'il a constaté, durant l'année écoulée, cinq cas de décès par overdose. “20% des autopsies, pratiquées dans mon service, révèlent des conduites suicidaires. Dans un tiers des cas, la mort est provoquée par la prise de médicaments”. Plus de 50% des drogués sont des poly-toxicomanes, a-t-il ajouté. Le Dr Guesmi a souligné que la situation géographique de l'Algérie (pays de transition entre l'Afrique et l'Europe) et la structure de la population (63,5% des Algériens ont moins de 30 ans) sont des facteurs aggravants de la prolifération de la consommation de la drogue. Le phénomène touche, selon ce médecin, essentiellement un jeune adulte, célibataire, en chômage. La moyenne d'âge de la première consommation est de 18 ans. Très peu de drogués prennent, de leur propre chef, la décision de se soumettre à une cure de désintoxication. “La rechute est une malédiction. Les dispositions de la nouvelle loi, qui considère le toxicomane comme un malade, n'arrange pas les choses”, a soutenu le Pr Ridouh. Ce texte, promulgué en décembre 2004, donne en effet aux toxicomanes la possibilité d'éviter la prison à condition de se faire soigner. Sauf que les mis en cause utilisent souvent des subterfuges pour échapper aux deux alternatives. S. H.