L'enseignement de la culture des droits de l'Homme sera dispensé “incessamment” dans les lycées et les universités. Cette annonce a été faite hier par le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, lors de l'émission hebdomadaire “En toute franchise” de la radio Chaîne III. Selon lui, le rôle de l'école dans la propagation de cette culture est déterminant, “sans oublier le rôle des médias”. L'invité du centre culturel Aïssa-Messaoudi a, en outre, fait savoir que “des institutions dans le monde sont prêtes à aider l'Algérie, du point de vue des moyens”. “L'Algérie est un pays émergent en matière des droits de l'Homme, ces droits sont dans un état moyen dans notre pays. Il faut des moyens et du temps”, a déclaré Me Ksentini. Ce dernier, sollicité sur le bilan de la réconciliation nationale, n'a pas caché sa surprise devant le retard mis dans la publication du rapport de sa commission, transmis pour rappel au Chef de l'Etat. “Moi-même, je m'interroge sur ce retard. Il doit y avoir des causes sérieuses”, a-t-il soutenu, en prévenant qu'il ne s'agit pas d'un “jugement” de sa part. “J'espère qu'il sera publié dans les meilleurs délais, car c'est un indicatif très important qui permet de voir si la réconciliation nationale a atteint ou non ses objectifs”, a-t-il ajouté. Quant aux derniers attentats ayant ciblé la capitale, il a estimé qu'ils sont “l'œuvre de personnes désespérées”. Plus loin, l'invité de la Chaîne III révélera que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale connaît des “carences” dans son application, voire “des obstacles d'ordre bureaucratique”. Et donnera pour preuves les lenteurs dans les indemnisations de certaines catégories de personnes et “les réticences” quant à l'intégration des “citoyens licenciés de leurs postes de travail”. À propos des personnes disparues, il a jugé que l'indemnisation des ayants droit “n'est pas la seule solution”, en plaidant pour “la réparation morale” à travers la divulgation de “la vérité, même si elle est dite de manière globale”. Pour ce qui est des 15 000 ou 18 000 “déportés et détenus administrativement au Sud” pendant la décennie noire, le responsable de la commission consultative a signalé qu'il s'agit d'une “omission involontaire au niveau de la charte”. “Ils ont subi un préjudice et de ce fait, ils ont droit à une réparation”, a-t-il attesté, en notant avoir “soumis leurs doléances à qui de droit”. L'avocat avancera enfin “une observation”, relative aux “dispositions de la charte (qui) permettent au président Bouteflika de prendre des dispositions complémentaires ou des dispositions nouvelles”. Concernant Rabah Kébir, un des responsables de l'ex-FIS à l'étranger, qu'il a rencontré dernièrement, Me Ksentini l'a qualifié de “nationaliste” au discours “extrêmement fluide et modérateur”. “J'ai toujours été impressionné par sa modération”, a-t-il confié, insistant sur le fait que les échanges ont porté uniquement sur “la réconciliation nationale et la démocratie”. “La démocratie n'existe que si la majorité protège la minorité”, a encore indiqué le responsable de la CNCPPDH. Il admettra plus tard que les règles du jeu en matière de démocratie ne sont pas respectées à la lettre dans les rangs de la majorité, regrettant “la fermeture des médias à certaines catégories de personnes” pendant la campagne référendaire. “La démocratie n'est possible que s'il y a pluripartisme et plurisyndicalisme. Le moment est venu d'instaurer le plurisyndicalisme”, a-t-il souligné, appelant “les partis d'opposition, qui se sont mis en veilleuse, de reprendre leurs activités”. Interrogé sur le non-respect des dispositions de la charte qui interdisent aux islamistes, à l'origine du drame algérien, de se livrer à des déclarations publiques, Farouk Ksentini a rappelé que “la charte a été sanctionnée par un bulletin de vote”, en se demandant “si nous avons le droit de leur interdire de s'exprimer dans un cadre légal”. Avant d'affirmer : “Il faut que les Algériens cessent de se diaboliser les uns les autres. Il faut amener les islamistes à renoncer à la violence… À partir de là, je suis prêt à les écouter.” “La charte est éminemment politique et nous avons des limites”, a fini par reconnaître Me Ksentini. H. Ameyar