Il a confirmé, hier, les propos qu'il avait tenus à un journal marocain au sujet de la question du Sahara occidental. Les récentes déclarations du général à la retraite Khaled Nezzar à l'hebdomadaire La Gazette du Maroc sont un gros pavé dans la mare. Inutile de chercher par des euphémismes et des interrogations à en arrondir les angles. Lorsque l'agence marocaine MAP a repris les propos, on avait toutes les raisons du monde d'être à tout le moins prudent, d'autant plus que nos confrères marocains — du moins certains — ont l'habitude de donner aux affirmations de responsables algériens des interprétations qui les arrangent. Le bénéfice du doute ne peut plus être raisonnablement de mise dès lors que l'ancien membre du HCE persiste et signe en confirmant, hier, dans La Nouvelle République, la substance de ses propos au journal marocain. Ce qui est en soi une clarification de taille. Certes, il a pris la précaution de préciser : “Je n'ai jamais prétendu parler au nom de l'armée et ses chefs savent ce qu'ils ont et ils le font bien, ils n'ont besoin de personne pour les inspirer”. Il se trouve que le général Khaled Nezzar, quand bien même il s'en défend, n'est pas un simple citoyen, et quand il décide de parler, c'est souvent pour exprimer un point de vue qui va bien au-delà de sa seule personne. Sinon, comment faut-il comprendre ses propos quand il indique à la fin de l'entretien à la LNR : “J'ai le courage, aujourd'hui, de donner mon opinion et de dire à haute et distincte voix que les militaires algériens n'empêchent pas les politiques de trouver une solution de sortie honorable à l'impasse où les politiques ont fourvoyé leur peuple.” Maintenant que l'authenticité du propos est établie, il s'agit de se demander à quoi rime cette sortie surprenante du général qui, sur le dossier du Sahara occidental, a toujours défendu la ligne du principe de l'autodétermination du peuple sahraoui. Ce changement radical de position chez Khaled Nezzar, qui se fait désormais l'avocat de la troisième voie où “il n'y a ni vainqueur ni vaincu” montre à n'en plus douter — même si officiellement rien ne permet de le prouver — que l'Algérie s'apprête à opérer un changement de cap par rapport à la question du Sahara sans le règlement de laquelle la construction du fameux “espace maghrébin” restera une chimère. En fait et à y regarder de près, les propos de l'ancien patron de l'armée au journal marocain sont une autre pièce d'un puzzle qui est en train de se mettre progressivement en place. Pour ne s'en tenir qu'aux derniers développements au sujet des relations algéro-marocaines, on rappellera la tenue d'un sommet prochainement entre le président Bouteflika et le roi du Maroc. L'annonce en a été faite, on s'en souvient, par Abdelaziz Belkhadem, lors de sa visite au royaume chérifien où il a été reçu avec beaucoup d'égards. De leur côté, les médias marocains, toujours prompts à s'emballer, ont fait part de préparatifs, en prévision de la réouverture des frontières. Autre élément et non des moindres, le récent message de Jacques Chirac au président de la République qu'il presse, amicalement, de trouver une solution au problème du Sahara. “Je forme le vœu, lui écrit-il, pour que l'intégration maghrébine et la résolution de la question du Sahara occidental, y compris dans ses aspects humanitaires, connaissent rapidement, par le dialogue, des avancées nouvelles”. Autant d'éléments qui sont autant de prémices pour la mise en œuvre d'une nouvelle alternative qui semble manifestement inévitable. “Alors, puisque de toute manière une solution pacifique, je souligne bien pacifique, est inéluctable, ne vaut-il pas mieux la trouver tout de suite ?”, argumente le général Nezzar, qui se demande dès lors, “à quoi sert-il de maintenir dans la fournaise des sables, pendant trois décennies, des milliers d'hommes, si les politiques affirment et maintenant plus que jamais, que l'armée algérienne sera appelée pour crédibiliser la position politique algérienne ?”. Le ton est ainsi donné pour la fameuse troisième voie dont on attend de voir le reste des tenants et aboutissants. N. S.