Le premier handicap dont peut souffrir une personne, c'est celui de ne pas se sentir citoyen dans son propre pays. La Fédération des associations des handicapés moteurs d'Algérie en est encore à revendiquer “la citoyenneté à part entière et l'égalité des chances”. Ce plaidoyer a été formulé, hier, par la présidente de cette fédération, Atika El Maameri, lors du séminaire arabe sur la personne handicapée qui se déroule à Alger deux jours durant, hier et aujourd'hui. “Nous n'accéderons à cette citoyenneté qu'à partir du moment où l'ensemble des services du pays sont accessibles à la personne handicapée. Ce qui n'est pas le cas en Algérie. Que peut signifier, par exemple, la gratuité des transports au profit de ce segment de la société lorsque aucun bus, aucun train… n'est aménagé ?” s'est encore interrogée Mme El Maameri qui parle de l'inutilité des lois en l'absence de mécanismes d'accès aux droits et à la participation. “Car ces lois doivent être basées sur les droits et non sur la charité. Et sur ce plan, les autres pays arabes nous dépassent”, a-t-elle affirmé. “Un enfant handicapé moteur qui, en classe, ne peut bénéficier d'un simple pupitre adapté à son infirmité et qui ne peut, en conséquence, suivre une scolarité normale est-il considéré comme un citoyen à part entière ?” a conclu dans sa déclaration à la presse la présidente de la Fédération des associations. Cette dernière constatation semble être partagée par Madi Krimo de l'association Awissifa de Tizi Ouzou. Privé de l'usage de ses bras, Madi Krimo est journaliste diplômé de l'institut de Ben Aknoun et active au sein de cette association qui s'occupe de la scolarisation de soixante enfants non voyants à la bibliothèque communale de Draâ Ben Khedda. “Les seuls livres en braille dont nous disposons nous parviennent de dons français. Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore de manuels scolaires”, a déploré celui qui se sert de ses pieds pour écrire. Ces deux constats illustrent combien sont insuffisants les mesures prises et les montants dépensés annoncés lors de ce séminaire, qui regroupe neuf pays arabes, par Djamel Ould Abbès, ministre de la Solidarité nationale et de l'Emploi. Selon ce dernier, ils sont 1,7 million d'Algériens qui souffrent de multiples handicaps, parmi lesquels les personnes âgées et celles atteintes de maladies orphelines ou chroniques. “Le ministère a versé à la caisse nationale de la Sécurité sociale 610 milliards de centimes au titre des cotisations des personnes handicapées. Par ailleurs, la prise en charge de cette catégorie de personnes coûte à l'Etat 3 millions de dinars tous les trois mois”, a déclaré le ministre. Au chapitre législatif, Ould Abbès dit avoir proposé une loi, en mai 2001, qui protège les droits des personnes handicapées. Cette loi prévoit l'accessibilité au logement, la réduction du loyer entre 40 et 100%, le doublement du salaire, l'octroi de micro-crédits pour la création d'entreprises… En attendant de voir ces dispositions entrer en vigueur, Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, a lu à l'assistance le message du président de la République dont il est le représentant à ce séminaire. Dans son allocution, le garde des Sceaux a évoqué les réalisations enregistrées en Algérie dans le monde de l'emploi, du sport et des études. Enfin, à l'issue de ce séminaire inauguré par le Chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, Atika El Maameri espère que l'Algérie s'ouvre sur les expériences d'autres pays. Une convention sur la protection des droits des personnes handicapées est en cours de finalisation à l'ONU que “l'Algérie doit se préparer à accueillir”, a espéré la présidente de la fédération. SAMIR BENMALEK