C'est pratiquement par voie de presse que le Chef du gouvernement vient de demander au président de la République de lui remanier son Exécutif. Le procédé, inédit, étonne autant que la requête. Les projets de révision de la Constitution et la question du remaniement gouvernemental commencent à faire feuilleton. Signalés comme imminents pour la fin de l'année 2006, passés ensuite sous silence, les voici relancés pour un délai ouvert sur toute l'année en cours. Et au suspense, s'ajoute l'originalité de certain mode d'annonce. Si les relations institutionnelles étaient régies par des équilibres politiques, on pourrait croire que le FLN s'adonne à une pression visant à faire réaménager le gouvernement dans le sens de ce qu'il estime être la réalité du rapport de forces du moment. Or, le FLN a longtemps souffert une direction RND dans une coalition dont il a toujours détenu la majorité. Les désapprobations tardives de Belkhadem sont venues annoncer un changement préalablement arrêté. D'ailleurs, pour rappeler la discipline avec laquelle les acteurs se soumettent aux règles du système, Ouyahia est allé déposer sa démission avec l'air imperturbable qu'il arbore en toute circonstance. Et comme pour nous convaincre qu'il ne s'agissait ni d'un revers pour sa formation politique, ni d'un déclassement politique personnel, l'ancien Premier ministre ne rate, depuis, aucune occasion de déclarer son soutien au Président et donc l'harmonie entre la vision de son parti et la méthode du Président. Est-ce une instance de Belkhadem ou un simple pari sur l'intention présidentielle ? À l'évidence, le secrétaire général du FLN prend les risques de son opiniâtre marche vers une plus grande emprise sur les institutions, y compris en enfreignant les coutumes institutionnelles. En faisant de l'opinion publique non pas un relais d'information à l'intention du peuple, mais un relais du dialogue interne au régime, le Chef du gouvernement détourne la fonction de communication publique du gouvernement. Aux lieu et place du droit démocratique de savoir ce qui se fait et ce qui va se faire, la presse, et subséquemment l'opinion publique, se trouvent à assumer, tel un mur de ricochet, le rôle qui n'est pas le nôtre de porter et d'amplifier les échanges domestiques du pouvoir. Remaniement, pas remaniement ; référendum, pas référendum… Les citoyens reçoivent les nouvelles comme on accueille les bulletins météorologiques : c'est toujours conscient de son impuissance que l'on apprécie, que l'on désapprouve, ou que l'on y oppose son indifférence. La demande publique de remaniement adressée par le chef de l'Exécutif au chef de l'Etat, outre ce qu'elle a d'original, relance la succession de faux départs et d'hésitations qui a marqué l'année écoulée. Car, l'expérience de la tergiversation ayant été faite, le propos du Premier ministre sera appréhendé comme l'expression d'une initiative certes potentielle, mais encore sujette à des délibérations de sérail. La nouveauté est dans l'intermédiation de la presse dans un débat, à distance, entre partenaires politiques. L'opinion, devenue globalement consommatrice de vraies et de fausses nouvelles, tend-elle à se transformer, elle aussi, en caisse de résonance ? M. H. [email protected]