Lors de la conférence de presse qu'elle a animée hier à l'hôtel El-Djazaïr, la rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies sur les violences contre les femmes, Mme Yakin Ertürk, semblait s'être bien imprégnée de la condition féminine en Algérie. Avant de se mettre à la disposition des questions des journalistes, elle a tenu à expliquer les objectifs de sa mission et à livrer quelques-unes de ses observations à ce propos. Le mandat du rapporteur spécial sur la violence contre les femmes date de 1994 sur instigation des pays membres des Nations unies. “Notre mission est comme un mécanisme de contrôle et d'identification des problèmes des femmes en vue de chercher des solutions avec les gouvernements concernés”. Depuis qu'elle assume les charges de cette fonction en 2003, Mme Ertürk a déjà visité 11 pays, dont l'Afghanistan, le Soudan, l'Iran, le Mexique, la Suède et la Hollande. Elle a alors expliqué que les agressions physiques et morales contre les femmes ne sont pas pratiquées uniquement dans les pays du Tiers-Monde, mais aussi dans les sociétés développées. “La violence à l'égard des femmes est prévalente dans le monde entier”. Elle a indiqué que son prédécesseur a déjà établi un rapport sur le phénomène aux Etats-Unis. L'Algérie est le 12e Etat visité par l'expert de l'ONU. “Je présenterai un rapport complet devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies sur les conclusions de mon enquête (…) dans un délai de six mois”. Elle a précisé que ce rapport ne sera pas une étude purement statistique, mais il rendra compte de la réalité des femmes en Algérie. Elle a reconnu qu'elle n'a pas eu l'opportunité de rencontrer tous les interlocuteurs susceptibles de lui donner des informations utiles à sa mission. Elle a indiqué, néanmoins, qu'elle a entendu des opinions divergentes. Elle est parvenue, de ce fait, à se constituer “une idée relativement équilibrée de ce qui se passe en Algérie”. Elle a rappelé que les Etats, qui l'ont invitée à enquêter chez eux, montrent une disposition à lutter contre les violences portées à l'encontre des femmes. L'engagement de l'Algérie est, à ce titre, reconnu par l'envoyée spéciale de l'ONU. Elle a affirmé que les autorités du pays ont réussi, en peu d'années, à garantir, pour les filles, l'accès à l'instruction, puis pour les femmes de larges possibilités d'assumer des fonctions importantes dans pratiquement tous les domaines professionnels. Elle a relevé, en outre, que la Constitution algérienne consacre sans ambiguïté l'égalité entre les deux sexes. Une non-discrimination retrouvée dans d'autres lois, comme le code de la nationalité, révisé il y a tout juste deux ans. Il n'en demeure pas moins que la situation de la femme, en Algérie est loin d'être reluisante. Mme Ertürk a noté, en particulier, le difficile vécu des femmes pauvres, des mères célibataires, des divorcées et des analphabètes. Elle s'est dit préoccupée par l'ampleur de la violence conjugale et le harcèlement sexuel en milieu professionnel, dont sont victimes nos concitoyennes. Elle a été notamment étonnée par la résignation des victimes, qui ne déposent que rarement une plainte contre leurs agresseurs, quand il s'agit d'un membre proche de la famille. Il s'avère que les chiffres changent en fonction des organismes, auprès desquels des cas sont rapportés. Les quelque 8 000 dossiers enregistrés par les services de la police sont, a-t-elle noté, bien en deçà des chiffres fournis par le ministère de la Santé, les associations féminines et les centres d'écoute et les refuges pour des femmes en détresse. “La violence domestique demeure invisible en Algérie”, a conclu Mme Yakin Ertürk. Sur un autre chapitre, la représentante des Nations unies a informé que la disposition de la Charte pour la réconciliation nationale et la paix inhérente à l'érection en infraction pénale, l'utilisation ou l'instrumentalisation des blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte à l'Etat, ses institutions ou ses agents, l'a énormément inquiétée. “Les autorités algériennes m'ont donné l'assurance que personne n'a été condamné, jusqu'alors, pour ce motif. Il faut rester, néanmoins, vigilants”. Souhila H.