Tous les gens épris de liberté, de justice et de paix, à travers le monde entier, se sont inclinés devant la mémoire des victimes innocentes des attentats contre deux points stratégiques de première importance aux Etats-Unis d'Amérique, le 11 septembre 2001. La vie humaine est ce qu'il y a de plus sacré et sa perte est incommensurable. Notre saint Coran nous enseigne : “Quiconque tue une personne non convaincue de meurtre ou de dépravation sur terre est à assimiler au meurtrier de tout le genre humain.” Et quand on se situe dans le domaine du comportement psychologique, la symbolique prend une importance capitale ; car c'est par le symbole et la bonne exhortation que l'on peut mobiliser. C'est ce qu'ont utilisé les responsables américains pour mobiliser la solidarité, d'abord aux Etats-Unis et ensuite dans le monde. Il ne faut pas oublier que le comportement des dirigeants est véhiculé par les médias vers la population. D'où la responsabilité primordiale de la télévision, de la radio et de la presse. Le monde entier a pu constater la force de mobilisation et de solidarité du peuple américain pour faire face à l'adversité et pour apporter le secours aux victimes. La qualité du travail médiatique était de veiller à ce que cette mobilisation ne soit pas orientée contre des populations innocentes, à l'intérieur des Etats-Unis et ailleurs dans le monde. Des dépassements et des erreurs d'appréciation ont été enregistrés contre les Arabes et les musulmans. Il fallait les circonscrire et travailler à leur disparition par la bonne explication et par l'information juste. Nous espérions une plus forte mobilisation pour aider le mouvement mondial de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, en particulier en Afrique et dans le monde musulman. Aujourd'hui, partout dans les pays pauvres, les jeunes sont attirés par les images d'opulence que leur présentent les chaînes étrangères de télévision par satellites, ce qui augmente leur frustration et les prédispose à la manipulation et à l'embrigadement. En empruntant le langage des mathématiciens, je dirais que l'invasion de l'Irak marque un “point d'inflexion” sensible dans l'analyse de la pertinence de la bonne communication. Cette invasion a été médiatisée comme le signal d'un changement de la politique américaine dans le monde arabe ; à savoir le passage du soutien des régimes autoritaires vers le soutien à la démocratie. On a commencé à parler “des gouvernants dans la région, comme étant une partie du problème et non la solution”; que “I'absence de la démocratie dans la région est une cause du terrorisme” ; que l'intervention en Irak avait pour but de changer le régime pour faire de ce pays un modèle de démocratie ; que les troupes des coalisés allaient être accueillies dans le Sud de l'Irak avec les applaudissements et les couronnes de fleurs par des populations “libérées”. Avant même de parler de la pertinence “d'importer” la démocratie, ce que nous constatons après six jours d'intervention, c'est que la réalité est toute différente. L'accueil irakien n'est pas celui qu'attendaient les coalisés. Les troupes qui entrent en territoire irakien rencontrent une résistance farouche de la part de tous les Irakiens. Au lieu d'amener le confort à la population, c'est le bombardement des villes, la destruction des habitations, le bombardement de jour et de nuit de la ville de Bagdad, y compris dans les quartiers civils, dans les universités et dans les écoles, comme le montrent les images de la télévision. Parce qu'il y a cette fois-ci une chaîne de télévision arabe, Aljazeera. Ce sont les coupures d'eau et d'électricité avec leurs conséquences néfastes sur la santé de la population. Ce sont déjà des dizaines de morts et des centaines de blessés. C'est enfin la Bourse de New York qui empêche les correspondants d'AIjazeera de faire leur travail d'information économique. Les coalisés sont allés, finalement, jusqu'à bombarder les installations de la télévision irakienne. N'est-ce pas une démonstration par l'absurde de leur incapacité à dire la vérité, à supporter la contradiction ? Avec de tels actes, ne sont-ils pas en train de perdre la bataille médiatique ? Montesquieu disait : “le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument”, les coalisés ne sont-ils pas en voie d'aller vers la corruption absolue dans ce domaine ? Mais la catastrophe est à venir. Il ne faut pas oublier que 16 millions d'lrakiens vivent avec les rations alimentaires venant de l'étranger, comme conséquence de l'embargo. Avec la situation de guerre, cet approvisionnement devient impossible. Alors les Irakiens qui ne sont pas morts sous les bombes mourront par la famine. On a également parlé de neutralisation des armes de destruction massive. Rien n'a été prouvé quant à leur existence jusqu'à maintenant, et ce qui a été détruit l'a été par les inspecteurs de l'ONU. Mais que dire des bombardements de jour et de nuit par tous les moyens que permet la technologie la plus sophistiquée ? N'est-ce pas là des destructions massives ? C'est le moment d'être lucide. Il ne faut pas avancer avec des idées simples devant des situations complexes. Tous les peuples du monde sont farouchement opposés à une intervention étrangère quelle que soit sa nature. Encore plus, lorsque le rapport des moyens est ridiculement inégal : une force militaire sans égal, équipée par les moyens technologiques les plus sophistiqués, face à une armée sous-équipée subissant l'embargo depuis plus de dix ans, sans couverture aérienne et sans soutien logistique. Même le mot guerre est impropre, voire indécent, face à de telles disproportions des rapports de forces Ce qu'il faut bien saisir, c'est qu'en de telles circonstances, il n'y a plus de gens contre ou pour le régime, il n'y a que des Irakiens qui s'opposent à l'invasion. Le sentiment national est très fort dans une région qui a souffert du colonialisme ou du protectorat. Quel que soit son degré de perfectionnement, une stratégie de communication “ne pourra pas cacher le soleil avec un tamis”, comme dit un proverbe arabe. A jeudi prochain pour une autre question, entretemps travaillons tous et toutes à l'élargissement de la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie. A. B.