“La publicité algérienne doit se garder d'être une photocopie de la publicité américaine ou française. Elle doit être typiquement algérienne”. Vice-président du groupe Havas, Jacques Seguela a inauguré lundi les bureaux de l'agence publici-taire EURO-RSCG Algérie. A cette occasion, et avant la conférence de presse qu'il devait animer avant-hier, il a bien voulu répondre à nos questions. Liberté : EURO-RSCG fait partie des 25 meilleures agences de publicité en France. Qu'est-ce qui vous a poussé à ouvrir une agence en Algérie ? Activant dans le domaine publicitaire, le groupe Havas est classé 6e à l'échelle mondiale. Ce sont 20 000 personnes dans le monde qui y travaillent. A alger, elles sont au nombre de 10, et bientôt 20, à défendre une publicité un peu différente, une publicité plus latine, plus imaginative, plus créative qui a fait notre succès dans le monde. J'ai trouvé formidable le fait qu'après avoir été présent dans 74 pays dans le monde, on revienne à nos sources, à nos racines, notre méditerranée qui nous a tous vu naître. Mon premier livre s'appelle Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel. Car c'était ça, il y a une trentaine d'années, on craignait la publicité en France, on ne savait pas par où la prendre. Et peu à peu, elle est devenue une sorte d'art de la rue reconnu. C'est ce qui est en train de se passer ici en Algérie avec cette extraordinaire chance que vous avez de pouvoir réinventer la publicité car, moi, quand j'ai démarré, la publicité était importée d'Amérique, donc on faisait tous la même chose. Et entre-temps, les peuples après leur indépendance se sont affirmés avec leur propre identité culturelle et leurs racines, et c'est ce qu'il faut que l'on retrouve dans la publicité. La publicité algérienne doit se garder d'être une photocopie de la publicité américaine ou française ; elle doit être typiquement algérienne. C'est pour cela que le patron de notre agence est algérien même s'il a étudié en France. Partout dans le monde, nous essayons de faire en sorte que notre publicité soit multiculturelle et que chaque pays puisse défende ses propres armes de pub. Quel intérêt portez-vous au marché de la publicité en Algérie ? L'Algérie est un vieux pays neuf. Et on redevient neuf seulement si on peut se centrer sur des racines et des richesses très profondes. Je crois que l'Algérie est un pays latin, moi je suis latin, né de l'autre côte de la méditerranée à Perpignan. Mon cœur a toujours été entre ses deux pays, et je crois que la méditerranée sera un des points focus de ce nouveau monde qui s'invente et qui rejettera les faits établis de l'american-of-life, et les autres modèles imposés. Un monde qui va écrire sa propre nouvelle culture. Or, la publicité est notre culture immédiate et il est temps que le marché algérien le comprenne. Elle est avant tout la seule aide à la vente concrète, que l'on connaisse. Un formidable stimulateur à condition de respecter certaines règles, ce qui n'est pas toujours le cas en Algérie. Donc, on va essayer d'aider les annonceurs à appliquer les règles universelles de la publicité. Et puis l'Algérien est un créatif en puissance, parce que comme tout latin il a l'art de la parole, des mots, il aime s'exprimer. Et la publicité n'est rien d'autre qu'une forte expression quotidienne des marques. Pensez-vous que l'Algérie est en retard par rapport au reste du monde en termes de publicité et communication ? Elle est et en retard et en avance. Elle est en retard parce qu'on voit bien que ce pays a été étouffé longtemps. Il commence maintenant à exister vraiment. Les autres pays qui ont commencé à s'ouvrir beaucoup plus tôt sur la publicité se trouvent aujourd'hui dans un cul-de-sac. La publicité doit se réinventer toujours, surtout après cette guerre criminelle en Irak, qui va redistribuer les cartes et faire que chaque peuple voudra accéder aussi à l'indépendance de sa communication. Pas seulement à son indépendance, mais aussi au droit de s'exprimer librement. Et je pense que l'Algérie fera partie, demain, des pays qui vont réinventer leur publicité. Vous avez plus de 2 000 campagnes publicitaires à votre actif dont une quinzaine politique. Avez-vous déjà participé à des campagnes en Algérie ? Non, jamais ! On dit que le troisième millénaire sera celui de la communication. Partagez-vous cette idée ? Oui, il sera celui de la distraction mondiale des peuples, que ce soit par la télévision, le cinéma, la musique ou la publicité. Et le net sera demain le premier moyen de communication dans le monde. M. O.