Drôles de vacances pour les enseignants mais surtout pour les élèves ! La rupture brusque ou effilochée, selon la classe, avec la routine des 8h-midi, balance les enfants dans un océan de temps libre, et les parents soucieux de leur progéniture, dans le désarroi et l'expectative. Amal, élève de 3e année primaire, est introduite trop précocement, malgré elle, dans le monde des adultes. À à peine huit ans, elle trimbale à longueur de journée dans les dédales des tribunaux de Mostaganem ou au cabinet de sa mère avocate ! Mehdi, élève de 1re année du même palier d'enseignement est, quant à lui, cloîtré chez ses grands-parents. Il doit passer son temps à regarder la télévision ou à exceller dans son jeu vidéo. Les sorties sont strictement liées à la disponibilité de sa mère, employée d'administration. Des exemples pareils foisonnent à Mostaganem, et sûrement ailleurs en Algérie. Ce sont plutôt des exceptions de parents relativement regardants, en ce qui concerne leurs enfants, car la quasi-totalité des écoliers ne sont pas assujettis au contrôle parental. “Moi, j'aurais préféré l'école !'' nous confie Amine, un lycéen de 2e année, incommodé par le désœuvrement. Et d'expliquer : “Il n'y a pas le moindre établissement de jeunes ouvert dans la localité ! Mis à part les cafés, que je ne fréquente jamais, il n'y a que la rue !'' Eh oui ! la rue ! La rue qui, à défaut d'initiative de gestion du temps libre, ni d'espaces de détente, d'activité ludique ou de culture, s'offre comme alternative quasi unique. Elle s'impose comme réceptacle “naturel'' de milliers de bambins et d'adolescents, qui y passent le plus clair de leur temps, à improviser jeux et occupations. Si les lycéens et certains collégiens se permettent des grâces matinées pour compenser le manque de sommeil en raison des veillées tardives, il n'en est pas de même pour les bambins incapables de rompre avec l'habitude à se lever tôt. Pendant que leurs élèves subissent, d'ores et déjà, les fameuses grandes vacances, les enseignants, pour la plupart, n'y pensent pas encore. Hormis une minorité de célibataires et de sans-charge familiale, qui se permettra une évasion de quelques jours ou quelques semaines à l'étranger, en bord de mer ou dans la station thermale de la région, la majorité écrasante de leurs collègues n'a qu'une alternative unique, celle de l'encombrement des cafés. Rompant, certes, avec l'harassante routine de la craie et du tumulte estudiantin, ceux-ci renouent avec une autre monotonie. Durant les vacances, les jours se suivent et se confondent : achat du journal, encombrement du café jusqu'à 11h-midi, virée au marché des fruits et légumes ou au magasin d'alimentation générale, sieste sans en avoir l'envie, et de nouveau, encombrement du café pour clore la journée. Au chef-lieu de la wilaya, ils se diluent dans la masse des occupants “sédentaires” des cafés. Mais dans les bourgs et bourgades, ils ne passent pas inaperçus. Ils se démarquent par l'apparat et la tenue du journal, mais surtout par le rassemblement corporatiste en groupuscules bruyants. Une matinée durant, ils commentent les nouvelles des journaux ou les conditions de déroulement des examens de fin d'année, amendent la chronique locale ou critiquent les ultimes mesures initiées par leur ministre ou leur tutelle locale. “L'inoccupation demeure une réelle préoccupation”, nous rétorqua textuellement l'un des leurs, auquel nous avons osé demander comment il dépensait son temps de vacances. M. O. T.