Au moment où tout le monde s'apprêtait à fêter la fin d'année scolaire, la nouvelle de retrait d'autorisation des écoles Bendali et Cours-Soleil est tombée comme une sentence sans appel, semant l'incompréhension et le désarroi. “Nous avons tout préparé, même les cadeaux, des contes en langue arabe que nous comptions remettre aux petits”. Celle qui parle n'est autre que Mme Bendali, la mère. À 85 ans, la dame est aussi dynamique qu'une jeune adolescente. En dépit de la “malédiction ministérielle” qui vient de s'abattre sur son école, la dame affiche un moral de fer, même si par moments elle ne peut retenir une larme. “Je suis profondément Algérienne et dans mon école, les enfants parlent leur langue maternelle. Il fallait venir les voir lorsqu'ils jouaient pendant la récréation, et je peux vous dire qu'ils ne parlaient qu'en arabe”, rétorque-t-elle. Il n'y a pas encore foule au complexe touristique de Zéralda, mais l'ambiance de vacances est bien installée. Mais ce n'est pas le cas pour les responsables, le personnel de l'école et les parents des élèves. Bien que l'école soit désertée des petits chérubins qui remplissaient l'espace de cris de joie, tout le personnel était encore en poste, hier. “Il faut bien faire le bilan de fin d'année”, se permet la responsable de l'administration. Nickel à tous les niveaux, l'école située au bord de la mer offre toutes les commodités. Dans un rapport d'inspection de la Direction de l'éducation d'Alger-Ouest, il est bien précisé que l'école dispose de toutes les commodités pour accueillir les élèves. L'école compte sept salles de cours, deux bureaux, une cour de 1 440 m2, une cantine, une infirmerie, une bibliothèque, est dotée de la climatisation et un agréable environnement extérieur. Un confort auquel veille Mme Bendali, qui a passé toute sa vie avec les enfants. “J'ai géré des jardins d'enfants pendant 32 ans, j'ai été responsable de 35 structures préscolaires de la ville d'Alger depuis l'Indépendance. En 1986, nous avons lancé cette école qui se charge de l'enseignement préscolaire, et c'est à la demande des parents que nous avons ouvert les classes de CP, moyennes et puis secondaires. Nous ne comprenons pas la décision du ministère”, explique la dame qui ne manque pas de rappeler son engagement et son dévouement pour l'Algérie. Militante de la cause algérienne pendant la guerre de Libération nationale, Mme Bendali fut interdite de séjour en France pendant cinq années. Elle soulignera que son établissement scolaire est en règle et que la mise en conformité avec les directives du ministère de l'Education nationale a commencé à être appliquée. Les 100% de réussite enregistrés par ses élèves à l'examen national de 6e en est bien la preuve. “Le ministère nous avait accordé un délai de deux années pour terminer le travail. Il y a quelque chose qui m'échappe, est-ce que nous représentons quelque chose de banni à jamais dans ce pays ?” s'interroge notre hôtesse les larmes aux yeux, tout en affirmant avoir reçu, la matinée, le directeur de l'éducation Alger-Ouest qui lui aurait également fait part de son étonnement quant à la décision de retrait d'autorisation de création d'école privée. Et si le ministère campe sur ses positions, Mme Bendali ne cache pas son intention de revenir au préscolaire, dans la mesure où son établissement est agréé pour cela. Ils se saignent aux quatre veines pour que leurs enfants réussissent leur scolarité et les décisions successives de fermer certaines écoles privées ne sont pas pour arranger leur ambition. À l'école Bendali comme à l'école Cours-Soleil, la colère des parents était à son paroxysme en ces temps de grandes chaleurs. “On ne comprend pas pourquoi le ministère de l'Education s'acharne sur nous. Parce que la décision de fermer les deux écoles est une sanction pour les élèves avant les responsables des écoles. Pourquoi ne pas nous laisser choisir l'enseignement qu'on veut pour nos enfants ? Mes deux filles suivent leur scolarité dans cette école depuis que nous sommes rentrés du Canada. Qu'est-ce qu'elles vont devenir ? Je suis vraiment inquiète”, lance une maman à l'entrée de l'école Cours-Soleil. En dépit de l'inquiétude pour l'avenir de ses filles, notre interlocutrice a déjà prévu un scénario de rechange. Les inscrire dans une école à Tizi Ouzou. Le défilé des parents vers les deux écoles a commencé juste après que la mauvaise nouvelle fut tombée. En groupe ou à titre individuel, tous viennent aux nouvelles et pour s'enquérir de la démarche à suivre. Et si certains ont déjà commencé à retirer les dossiers de leurs petits afin de les mettre dans d'autres écoles privées ou publiques, d'autres encore ne comptent pas lâcher prise. “J'ai trois enfants inscrits à l'école Bendali, je suis très satisfait de leurs résultats et je ne comprends pas pourquoi on a décidé sa fermeture. Je ferai tout pour que mes enfants aient la meilleure scolarité. Je ne suis pas près de changer d'avis”, confie un autre parent d'élève. Si les prochains jours seront décisifs pour l'avenir des deux écoles, même si au niveau du ministère la décision est sans recours, ils le seront d'autant plus pour les élèves qui habitués à un certain climat et ambiance. “Mon papa dit qu'il faut attendre. Je ne sais pas ce que je vais faire. On allait faire la fête et recevoir nos prix, maintenant je ne sais rien”, nous lance un enfant à l'entrée de l'école Cours-Soleil. Si l'école privée garantit, aux yeux des parents, une scolarité de qualité, elle semble constituer aux yeux des responsables de l'éducation une menace sur l'identité des enfants. C'est ce qui ressort du discours de M. Benbouzid qui s'exprimait hier à la Télévision nationale. Un discours loin de rassurer les parents qui se demandent pourquoi leurs gouvernants envoient leurs enfants à l'étranger pour étudier. “Il faudra qu'eux-mêmes donnent l'exemple”, fait remarquer une autre maman. Wahiba Labreche