Au registre des violences sexuelles, l'étude élaborée par la Gendarmerie nationale souligne qu'en dépit de l'ampleur du phénomène, ce dernier n'est pas assez traité. Les statistiques, surtout hospitalo-universitaires, existantes, liées aux violences sexuelles en Algérie restent très relatives par rapport à l'ampleur du phénomène qui ne peut être abordé sous l'angle des statistiques seulement. Un vide qui s'explique, selon les praticiens, par “la pudeur et la réticence des victimes à dévoiler ou à révéler l'humiliation subie”. Dans son rapport sur le phénomène de la violence sexuelle, la Gendarmerie nationale s'est basée, entre autres, sur le document de l'institut national de la santé publique (INSP). À ce titre, l'enquête nationale sur les violences à l'encontre des femmes, effectuée en 2006 par l'INSP, montre que 5,4% des violences subies par les femmes en Algérie sont de nature sexuelle. Aussi, “le profil épidémiologique des cas observés à la consultation de médecine légale du CHU Mustapha-Pacha, de 2004 à 2006, montre que sur 104 victimes, 86% de la totalité des consultations avaient pour motif les violences sexuelles, une nette prédominance pour la gent féminine (68%) dont la tranche d'âge varie de 16 à 20 ans”. La même étude indique que 23% des victimes âgées entre 5 et 10 ans ont subi des violences sexuelles et que dans 33,7% des cas, l'agresseur est étranger à la famille, contre 4,8% pour les membres de la famille. 31,7% des agressions se passent dans le domicile de l'agresseur, et sous contrainte physique dans 75% des cas. L'étude met particulièrement l'accent sur l'accroissement de la violence sexuelle dans le couple, qui “commence à devenir visible en Algérie” et ce, en dépit du poids de la religion et des tabous. Il est, particulièrement, précisé que les agressions posent un problème de santé publique. pour cela, les médecins légistes plaident pour une véritable politique de formation scientifique des médecins, toutes spécialités confondues. Concernant l'ampleur du problème, et malgré l'absence de données précises, il est souligné qu'une femme sur quatre est exposée, à un moment ou un autre de sa vie, à la violence sexuelle de son partenaire. “Chaque année, des centaines de femmes et de jeunes filles sont vendues ou achetées dans des réseaux de prostitution… Des dizaines de milliers de femmes subissent chaque année des violences sexuelles dans les services de santé, qui prennent la forme de harcèlements sexuels par le personnel, de mutilations sexuelles, d'examens gynécologiques forcés et de contrôle de la virginité.” Le rapport fait également allusion à l'utilisation du viol comme arme de guerre dans de nombreux conflits durant la décennie noire en Algérie et la guerre en Bosnie-Herzégovine, où dix à soixante mille femmes ont été violées. Pour les conséquences de ces violences sexuelles, le rapport fait état de grossesses non désirées, de maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida, de traumatismes psychologiques, de pensées et comportements suicidaires, etc. L'étude, qui ne s'est pas arrêtée aux constats, établit des recommandations préventives contre les violences sexuelles, dont l'aide psychologique et médicale aux victimes, la nécessité d'évolution de la législation et de la politique, notamment à travers l'élargissement de la définition du viol pour inclure le viol conjugal. Le volet juridique inclut également la réforme des règles de jugement et de production des preuves et la surpression de l'obligation pour les victimes de corroborer leur récit. La formation des agents de soins spécialisés dans la prise en charge de ce genre de problèmes ainsi qu'un programme éducatif en milieu scolaire et des campagnes pour modifier les attitudes et les comportements sont autant d'éléments préconisés dans le programme de prévention. Wahiba Labrèche