Cette 17e édition du Festival national de la chanson raï, la deuxième depuis son institutionnalisation, sera clôturée demain. Le raï est allé voguer dans l'immensité du grand désert à l'occasion de la troisième soirée du festival national qui lui est consacré et qui se tient depuis samedi dernier au théâtre de verdure Hasni-Chekroun à Oran. En dédiant le plateau artistique de la soirée de lundi au défunt Othmane Bali, les organisateurs ont imprégné l'ambiance d'une teinte rouge ocre, chaude où se sont mêlés le rythme gnaoui au targui ou encore à la tikouka et au bambara. Les troupes invitées pour la première partie de la soirée ont emprunté au griot ses incantations, ses pas de danse et ses gestes, pour louer Dieu et le Prophète Mohammed (QSSL). Les rythmes saccadés du karkabou ont plongé le public dans une atmosphère gnaouie où ne manquaient que les effluves de l'encens. Transgnaoua d'Oran, Diwan de Kenadza et le groupe Essed de Béchar ont usé de tous les rythmes du Sud qui ont influencé le blues, la folk ou encore le jazz et le reggae. Le raï ne pouvait mieux trouver pour se ressourcer que les colorations sensibles des oasis du Sahara. L'hommage rendu à Othmane Bali était à la mesure de cet artiste au savoir-faire reconnu, qui maniait aussi bien le goumbri que le luth et bien d'autres instruments. La seconde partie de la soirée était consacrée à un raï festif, un raï d'ambiance qui anime les soirées de mariage. Hormis cheikh Naâm, au verbe acidulé et à la musique d'inspiration flamenco, les chebs Aalia, Titou et Abdou ont présenté des titres puisés dans le répertoire des cheikhates Remiti et Djennia. Parallèlement, un séminaire sur les patrimoines musicaux en Algérie s'est tenu lundi au théâtre régional Abdelkader-Alloula. Cette initiative des organisateurs se voulait un espace de débats et de confrontation d'idées sur les origines du raï et la richesse du patrimoine musical algérien. L'anthropologue Ahmed Benaoum de l'université de Perpignan, auteur de nombreux travaux sur les Ouled Sidi Cheikh, a abordé le rapport de la musique avec la tradition. Le chercheur n'a pas manqué de souligner que bon nombre de traditions, des us et coutumes ont été perpétuées et véhiculées grâce justement à la musique. Le commissaire du festival, enseignant universitaire et auteur de plusieurs études sur le raï et la chanson oranaise, Hadj Meliani, a, pour sa part, abordé la naissance, durant les années 1920 et 1930 du de la chanson oranaise. Le conférencier n'a pas manqué de relever que cette naissance a été influencée par les genres andalou, bedoui, mambo et jazz. “Le raï qui avait fait son apparition durant cette époque était un cri de révolte contre l'ordre établi par le colonisateur. “S'hab el baroud est à l'origine du cri de colère d'un jeune Algérien enrôlé de force dans les rangs de l'armée coloniale pour aller faire la guerre en Indochine”, a-t-il souligné. Meriem Bouzid, une enseignante chercheuse au Centre national de recherche en anthropologie d'Alger, a, quant à elle, abordé les aspects musicaux du rituel de la “sebaïba” à Djanet, un thème également présenté par Ahmed Tahrichet de l'université de Béchar qui a mis en exergue la richesse du patrimoine musical algérien. R. R./APS