Dans le suffrage universel, le OUI et le NON ne sont pas les seuls monosyllabes qu'admettent les urnes. L'abstention partage toujours les politologues. Les 4 millions de lettres adressées par le ministre de l'intérieur aux algériens les appelant à éviter l'abstention soulèvent déjà la contestation. L'opération est singulière pour ne pas être accueillie fraîchement par les partis politiques qui, dans l'équation, se retrouvent une nouvelle fois au banc des accusés. Car après que Yazid Zerhouni les a taillés en pièces, au lendemain des législatives, et achevé le travail de démolition avec la nouvelle loi électorale, le ministre de l'intérieur se tourne directement vers les électeurs, aux lieu et place des partis politiques qui se retrouvent relégués au modeste rôle de spectateurs. Il est clair que les 60% d'abstention des dernières élections législatives ont provoqué un séisme au sommet. Ces lettres n'en sont qu'une des répliques visibles. L'onde de choc de l'abstention massive menace les prochaines élections municipales au point que les pouvoirs publics adoptent une démarche qui soulève plus de questions qu'elle ne fournit de réponses. L'abstention, acte consigné dans la pratique électorale, induit par le réflexe d'un électeur forcément mécontent, est un droit. Dans le suffrage universel, le OUI et le NON ne sont pas les seuls monosyllabes qu'admettent les urnes. L'abstention partage toujours les politologues. Est-ce un acte démocratique ou anti-démocratique ? Déserter les urnes est-elle une forme de réaction politique ou est-ce l'avatar du choix citoyen ? Ce qui est certain, c'est que l'abstention est comptabilisée comme une “participation” aux élections ; par l'absence bien entendu. Rien n'indique que ces lettres, qui sont une amorce de tentative de réconciliation avec les électeurs, vont, à elles seules, sensibiliser les citoyens et leur rendre leur civisme politique. Les causes de la défection populaire sont beaucoup plus profondes qu'un simple rejet conjoncturel induit par la faiblesse de la classe politique ou le climat surpolitisé des dernières décennies. C'est l'intérêt même des citoyens algériens à la chose politique qui est en jeu, et les appels quasi désespérés et récurrents aux urnes n'y changeront rien. La démarche de Zerhouni sera inutile si, en parallèle, les élus locaux et les collectivités locales ne sont pas sollicités pour créer les conditions d'un retour aux urnes pour les municipales. Il serait dramatique si les algériens, qui auront à élire les responsables politiques qui doivent gérer leurs communes, leur quotidien et leur ordinaire, se détournent une nouvelle fois des urnes. L'enjeu est de taille pour le système politique. Et si d'aventure le vide des législatives se reproduit, c'est toute l'expérience politique entamée depuis 1989 qu'il s'agira de repenser. M. B.