Les familles Challal, Nabi et Tali résidant à Benchoubane, relevant de la commune de Rouiba, ont été réveillées, hier matin, par les bruits des engins venus démolir leurs habitations situées sur le tronçon du projet de l'autoroute Est-Ouest. Alors que les femmes et les enfants demeuraient cloîtrés dans leurs maisons, les hommes sont sortis à la rencontre des responsables et des policiers chargés d'exécuter l'opération de démolition décidée par la wilaya d'Alger. Les engins ont commencé à démolir un hangar construit en parpaing et autres baraques jouxtant les habitations. Les protestations des résidents ont fini par dissuader les responsables chargés de l'opération de reporter la démolition des cinq villas pour mercredi, soit aujourd'hui. Les cinq familles sont révoltées par la manière dont est exécutée cette opération car, selon elles, “cette mesure est injustifiée puisque aucun arrêté de démolition n'a été pris par les autorités”, affirme Brahim qui ajoute que le délai imparti pour faire le recours suite à la décision de l'expropriation n'expire que le 24 août. “Comment se fait-il qu'on nous donne un délai de 15 jours, et on vient nous démolir seulement une semaine après ?” s'interroge notre interlocuteur qui ajoute qu'on ne leur a même pas laissé le temps d'évacuer leur maison. Le document qui leur a été envoyé le 8 août 2007 émane de l'huissier de justice, lequel informe la famille Kheiredine que “leur terrain de 5 800 m2 dans l'indivision a été exproprié pour les besoins du projet de l'autoroute et qu'un délai de 15 jours leur est accordé pour faire un recours administratif et un mois pour un autre recours juridique, et cela conformément aux articles 38 et 26 de la loi 91/11 relative à l'expropriation”. Seulement voilà, ces familles se sentent avoir été prises de vitesse par les autorités qui les harcèlent à quitter les lieux, alors qu'elles attendent une réponse à leur demande de réévaluation de leur propriété estimée à 800 DA le m2. “Un prix inimaginable par les temps qui courent”, estime Brahim qui s'étonne que le bâti n'a pas été concerné par les indemnisations, ajoute-t-il. La colère de ces familles est exacerbée par le fait que leurs voisins, qui sont concernés par la même opération et qui ont la chance de se trouver sur “le territoire” de la wilaya de Boumerdès, ont été bien pris en charge. “La wilaya de Boumerdès a non seulement régularisé comme il se doit les familles concernées par l'expropriation qui habitent à quelques mètres, mais elle les a même relogées”, affirme Kheiredine qui se demande pourquoi cette politique de deux poids, deux mesures pour un même projet, pour une même loi et pour les mêmes lieux. En effet, plus de 49 familles de la wilaya de Boumerdès, dont les propriétés sont situées sur l'axe du projet concerné, ont été régularisées et des appartements ont été mis à leur disposition. Mais à Boumerdès, et malgré les multiples réunions tenues sur ordre du wali entre les autorités et les familles concernées par les expropriations, des conflits ont apparu ces dernières semaines. L'exemple de la famille Kouidri de Hammadi en est un exemple puisque cette famille d'agriculteurs n'a pas le montant de l'indemnisation de sa propriété de 850 m2 qui a été estimée à 3,9 milliards de centimes, alors que seule la villa a été expertisée à 4 milliards de centimes. Mais tout compte fait, cette famille a bénéficié, selon le directeur des travaux publics de la wilaya de Boumerdès, de 5 appartements. “Une mesure exceptionnelle prise par le wali pour l'ensemble des familles expropriées bien que ces dernières n'ouvrent aucun droit”, a-t-il précisé ajoutant que le cas des 50 familles de Boumerdès a été réglé. Ainsi, les difficultés rencontrées pour mener à bien les opérations d'expropriation sont souvent dues à l'absence de concertation et de dialogue entre les différentes parties. À cela s'ajoutent les pressions exercées par les entreprises de réalisation tenues par un cahier des charges et des délais bien précis et qui réclament continuellement qu'on leur déblaie le terrain pour tenir leur engagement. Ainsi, contrairement à ce qui a été avancé, notamment par le ministre Amar Ghoul au sujet des indemnisations, il y a bel et bien un problème, du moins dans certaines localités touchées par le projet. Amar Ghoul avait indiqué, pour rappel, lors de sa dernière visite d'inspection du projet, que “le problème d'indemnisation ne se pose aucunement ; néanmoins, la priorité est de s'assurer et de s'inquiéter beaucoup plus sur la manière et le mode de relogement de ces familles”. Or les cinq familles de Benchoubane ne sont satisfaites ni de l'indemnisation ni de sa forme d'application. Quant au relogement, c'est une autre histoire. M. T.