La paisible localité de Benchoubane a connu, hier, une autre journée d'effervescence avec la démolition des habitations situées sur le tronçon du projet de l'autoroute Est-Ouest, en l'absence des autorités locales et des élus censés superviser l'opération et en même temps écouter les doléances des familles en colère. Malheureusement, aucun responsable n'a jugé bon de faire le déplacement à Benchoubane pour s'enquérir de la situation et écouter les réclamations des citoyens touchés par les démolitions. Les élus de l'APC de Rouiba, dont dépend cette localité, qui ont l'habitude de venir pendant les campagnes électorales sont aux abonnés absents. Les engins sont entrés en action et ont démoli un hangar et une villa. M. Challal, qui possède une très belle villa avec un beau jardin étalé sur une surface de 750 m2, n'arrive pas à trouver des explications au montant qui lui a été fixé par l'administration qui est de… 56 millions de centimes. Le prix d'un des trois grands palmiers “espagnols” qui ornent cette belle maison qui a vu grandir les enfants Challal, dont l'aîné a failli piquer, hier, une crise lorsqu'il a appris qu'aucun logement n'a été mis à la disposition de la famille. Les habitants de Benchoubane se sentent lésés par les autorités qui les ont abandonnés à leur triste sort. “Ces gens n'appliquent pas ce que dit le Président Bouteflika qui a à maintes reprises appelé à l'indemnisation juste et équitable des citoyens concernés par ce projet”, affirme Brahim qui met en défi les autorités à justifier le montant de 800 DA le m2 décidé pour leur indemnisation. “Les impôts de la wilaya d'Alger ont eux-mêmes évalué le prix du m2 à Benchoubane à 12 000 DA le m2 ; comment se fait-il qu'on nous indemnise avec ce prix-là ?” affirme un citoyen. “En plus, la maison n'a pas été prise en compte contrairement à la wilaya de Boumerdès où même les gourbis ont été indemnisés et leurs habitants relogés”, affirme Brahim qui ajoute que le décret n°93-186 du 27.07.1993, déterminant les règles de l'expropriation, n'a pas été respecté, notamment l'article 13 qui énonce en substance que “l'enquête parcellaire vise à préciser et à vérifier l'identification des propriétaires et titulaires des droits à exproprier soit par vérification des titres légaux de propriété, soit, en l'absence de ces titres, par la constatation des droits de propriété sur les immeubles concernés”. Or, selon un magistrat rencontré sur les lieux, la wilaya d'Alger n'a pas pris en considération le dernier alinéa de cette disposition et a considéré injustement les immeubles comme des constructions illégales. Ce qui est, selon ce magistrat, une aberration compte tenu de l'ancienneté des habitations qui ont 30 ans et plus, mais aussi par le décret qui parle de “constatation des droits”. M. Challal, tout comme ses voisins, veut tout simplement comprendre. “Nous avons confiance en notre Président et nous espérons que notre cause sera entendue”, affirment-ils. Avant de quitter les lieux, un enfant, les larmes aux yeux, s'accroche au pantalon de M. Challal. “Où allons-nous papa ?” lance le petit garçon à un père abattu et complètement désarçonné. Le père regarde son fils et le serre dans ses bras sans dire un mot. Il leur reste 12 heures seulement pour évacuer les trois étages de la demeure, ainsi que le jardin envahi de plantes rares et de dizaines de pots de fleurs que les Challal ont jalousement conservés et soignés. M. T.