Ils se mettent au service du chef de l'Etat au nom de la notion de service public. Dérive. Les médias publics ont décidé de défendre le bilan et la personne de M. Abdelaziz Bouteflika. A l'occasion de la quatrième année de son arrivée au pouvoir, le quotidien francophone du soir Horizons a publié, hier, un sondage aux résultats à tous points de vue favorables au président de la République. Au-delà du sondage, c'est bien entendu le traitement et les commentaires faits par les médias de l'Etat qui méritent l'attention. Horizons se croit, par exemple, obligé de “répondre” aux journaux privés, très critiques envers les responsables politiques dont, naturellement, M. Bouteflika, écrivant : “Le plus intéressant (comprendre : le plus important dans ce sondage !), c'est que les résultats, comparés aux analyses présentées par ces médias (la presse privée, ndlr), sont aux antipodes du tableau pessimiste (opposé donc par nos confrères à leur tableau censé être positif) dressé à longueur de colonnes.” Les résultats de ce sondage, réalisé par Ipsfim, sont donc à tous points de vue favorables au chef de l'Etat, lequel, dans un entretien paru chez nos confrères du Jeune Indépendant, affirme ne pas avoir encore pris la décision de se représenter en 2004. Mais, le sondage lui donne les raisons de le faire : 66,6% des suffrages lui seraient acquis s'il se portait à nouveau candidat. Loin, très loin derrière les challengers potentiels (Aït Ahmed serait deuxième avec 11,9% des suffrages et Benflis troisième avec 5,9%). M. Abdelaziz Bouteflika est d'autant “réconforté” que les personnes sondées sont majoritairement satisfaites des résultats de la concorde civile qu'il a initiée en juillet 1999, suivie, six mois plus tard, d'une grâce amnistiante au profit des terroristes islamistes. La concorde civile a amélioré la situation sécuritaire, selon 63% des sondés. Ipsfim a taillé un costume sur mesure au Président et les médias publics n'ont pas manqué de le vendre. Lundi, dans son journal télévisé de vingt heures, la télévision a pris le soin de donner les résultats du sondage au milieu de la couverture consacrée quotidiennement, et abondamment, à la guerre américano-britannique contre l'Irak. Le procédé est subtil : profiter de la concentration des téléspectateurs sur la sensible actualité irakienne pour délivrer le message. Un message cru, direct et profond. Une consigne peut-être. Dans la soirée d'hier, Obour (Transition), une émission spéciale présentée par le directeur de l'ENTV, M. Hamraoui Habib Chawki, a dressé un bilan très positif des quatre années de règne de M. Bouteflika. L'ENTV s'en est aussi prise à la presse privée pour ses “attaques” contre le chef de l'Etat. Des caricatures de Ali Dilem ont été montrées, histoire d'illustrer le sujet. Il y a quelques mois, des responsables de l'ENTV nous avaient rappelé un principe sacré du côté du 21, boulevard des Martyrs : “Le cahier des charges et des missions de notre entreprise nous impose de couvrir toutes les activités officielles.” Mais, il n'impose en aucune manière de défendre un président et encore moins de s'en prendre aux confrères. Surtout lorsqu'on est un média lourd… public ! L. B.