Pour 2,5 millions de questionnaires expédiés, les autorités n'ont donc reçu que 250 000 réponses à la question de savoir si les abstentionnistes avaient changé de domicile. Le ministère de l'Intérieur ne semble pas s'être posé la question de savoir si tout le courrier posté est arrivé à bon port. Non qu'il faille encore accabler une poste largement dépassée par la vitesse de transmission universellement adoptée (l'administration a dû tenir compte de la lenteur légendaire du courrier national et prendre le temps nécessaire avant de consolider le bilan de cette correspondance), mais dans certains cas, le courrier a dû retourner à l'expéditeur parce que des plis ont été adressés à des “électeurs” décédés. Impossible d'évaluer la quantités de faux “électeurs” ainsi contactés, mais la méprise a été observée. D'ailleurs, bien que les postiers refusent parfois de remettre ces lettres “recommandées”, des familles ont pu en recevoir au nom de défunts parents. À moins que la différence entre le chiffre de 2,5 millions de lettres envoyées et celui de 250 000 réponses reçues ne soit due à ce genre de méprises et au ciblage involontaire de fictifs électeurs. Il restera toujours à éclaircir le mystère de l'écart entre les quatre millions de lettres programmées et les 2,5 millions réalisés. Pourtant, le travail est basé sur les résultats du référendum “réussi” pour l'approbation de “la Charte pour la paix et la réconciliation nationale” du 29 septembre 2005. Officiellement, sur plus de 18 millions d'inscrits, plus de 14,5 millions avaient voté ce jour-là. Ce qui correspondait à un taux de participation de 79,76%. Sur les 19 millions d'électeurs convoqués aux élections législatives du 17 mai 2007, 35,5% se sont présentés dans les bureaux de vote, soit un peu plus de 7,5 millions. Le différentiel entre la participation en mai 2007 (7,5 millions) et celle en septembre (14,5 millions) est d'environ 7 millions ! Ce ne sont ni les quatre millions qui devaient recevoir le questionnaire du ministère, ni les 2,5 millions auxquels il a été effectivement adressé. Est-ce que la base de travail du référendum de 2005 n'a pas été pleinement exploitée ou bien cette base n'était-elle pas parfaitement exploitable parce que pas entièrement crédible ? Les chiffres — et les lettres — de l'administration posent deux questions distinctes, mais liées. La première concerne la sincérité de la liste électorale nationale : si elle était crédible, actualisée, pourquoi se baser sur le résultat d'une consultation et non sur cette liste “dynamique”, pour ce genre d'enquête ? La seconde concerne la vraisemblance du résultat du référendum : s'il y avait sept millions de votants qui ne se sont pas présentés au vote de mai 2007, qu'est-ce qui a empêché, courrier pour courrier, de les contacter dans leur intégralité ? Cette affaire de correspondances semble reposer sur une démarche hésitante et une base de données approximatives. On comprend alors que les citoyens ne soient pas nombreux à en comprendre la finalité et aient fini par… s'abstenir d'y répondre. Le ministère de l'Intérieur écrira-t-il aux 90% de 2,5 millions de destinataires qui n'ont pas répondu à son courrier post-électoral pour vérifier s'ils ont été contactés à la bonne adresse ? M. H. [email protected]