L'Association algérienne pour le développement de la recherche en sciences sociales (Aardess) a initié, hier après-midi, à Alger, un débat sur l'Etat-nation et la mondialisation, animé par un grand ami de l'Algérie : le philosophe français Etienne Balibar. Ce dernier, auteur de nombreux ouvrages et connu pour ses réflexions autour des politiques émancipatrices et des questions des droits de l'Homme, a soumis ses “préoccupations intellectuelles” à une assemblée composée essentiellement d'universitaires. L'ancien assistant volontaire (1965-1967) à l'Université d'Alger, aujourd'hui professeur émérite, a ainsi développé une approche critique de l'internationalisme, non sans ouvrir de nouvelles perspectives. “Ce travail s'inscrit dans une tentative visant à prendre la mesure des conséquences, mais aussi des défis, de la politique de modialisation”, a déclaré M. Balibar, en précisant que son travail de réflexion se poursuit toujours, qu'il souhaiterait surtout “en faire l'objet d'une réflexion commune”. Pour l'intervenant, l'internationalisme doit être aujourd'hui “repenser” et susciter également la méditation sur la question du national et du transnational, à laquelle s'ajoute celle des frontières. Et, pour “imaginer les transformations à venir du politique”, il a suggéré de faire jouer à “la question politique” de la frontière un rôle de révélateur et de propulseur. Les tendances objectives du monde, a expliqué Etienne Balibar, sont “profondément antagoniques”, puisque le monde emprunte deux directions. Il y a, d'un côté, “la perméabilité des frontières” avec tout ce qu'elle entraîne comme mouvements humains et échanges, et de l'autre, “le renforcement des exclusions et des fermetures”, ainsi que “les particularismes” et “les tribalismes”, à travers les politiques menées par l'Etat, y compris en matière sécuritaire. Le philosophe a estimé que de tels “phénomènes paradoxaux” ne devraient pas être rattachés à des faits conjoncturels, devenus “massifs depuis le 11 septembre 2001”. À la “vieille citoyenneté” qui s'affirmait du point de vue territorial, il a opposé la “nouvelle citoyenneté des réseaux”. “À l'extrême de cette représentation se profile une guerre civile mondiale (…), une alternative considérant la légitimité de l'Etat-nation en déclin”, a-t-il annoncé. Selon lui, le moyen de résister à la brutalisation de la politique mondiale existe, pour peu qu'il y ait une “pression”, voire une “résistance”, grâce à des “alternatives” qui restent à inventer. D'où l'intérêt pour le philosophe français de réinterroger certains concepts, avec un regard neuf. Soulignons que l'Association des sociologues algériens (Aadress) est décidée à approfondir la question sur “l'Etat national face à la mondialisation”, et organise, les 8 et 9 décembre prochain, un colloque sur le sujet, à la Bibliothèque nationale d'El-Hamma, à Alger. H. Ameyar